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La Lettre n° 65 | Échos de la recherche
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Guerre et Politique à l’épreuve de l’Afrique : approches anthropologiques

par Rémy Bazenguissa Ganga, élu directeur d’études par l’assemblée en juin 2013

Ma direction d’études propose une anthropologie des relations entre la Guerre et le Politique à partir d’un ancrage empirique africain conçu comme un lieu épistémique plutôt que comme une aire culturelle spécifique. J’entends par guerre, un conflit armé entre des collectifs qui porte sur l’instauration de nouvelles règles d’institution d’un ordre social et par politique, le moment existentiel rare de l’institution figurative de l’unité d’une société. Je concentrerai tout ce travail autour du concept de guerre électorale élaboré grâce à des objets construits à partir d’enquêtes menées principalement sur le continent africain. Le concept de guerre électorale correspond à une unité narrative. Elle rend compréhensible comment la guerre constitue déjà un dispositif de sélection des leaders qui fonderont un ordre politique. Elle est électorale parce qu’elle mobilise potentiellement toute la population dans cette entreprise. Ainsi, la guerre et les élections échangent et renforcent leurs effets. Ce cadre d’analyse confirme que l’ordre politique se présente comme l’expression des rapports de force provisoires entre les perdants qui revendiquent le pouvoir, et les gagnants, qui souhaitent renforcer leur avantage.

Je compte, autour de ce concept, mener des enquêtes ethnographiques et comparatives. Je travaillerai sur des terrains basés sur le continent africain (Afrique du Sud, Algérie, Congo Brazzaville, Congo-RD et Kenya). Privilégier la circulation entre ces divers lieux est, à mon sens, un moyen pour éviter de substantialiser le local. J'entends ainsi par « africain », une perspective intellectuelle spécifique construite à partir de la participation à un monde commun. Dès lors, l'« Afrique » représente non seulement un continent, mais constitue également un lieu précis de problématisation, de mise à l’épreuve et de construction du sens du monde. À partir de cet espace, les investigations sur les relations entre la guerre et le politique éclairent aussi ce qui se déroule ailleurs dans le monde.

Je traiterai ces relations comme des processus pour être attentif à leur structure temporelle et à l’ordre de succession des réalités sociales qu’ils mettent en place. Ce point de vue théorique postule que ce déroulement fournit des éléments pour comprendre chacune d’entre elles. Une anthropologie ainsi construite permettra d’analyser ces processus dans une série d’intrigues historiques configurées par l’articulation d’unités spatio-temporelles organisées en phases, « raréfaction » (M. Foucault, P. Veyne) et en séquences d’actions de dimensions différentes. Cette perspective rend possible l’adoption d’une approche continuiste. Ce choix théorique stipule que, même si le conflit armé et le politique semblent exceptionnels dans la vie sociale, leur interprétation, par contre, doit s’appuyer sur les mêmes facteurs, variables ou configurations causales que ceux auxquels l’anthropologue a recours pour rendre compte de conjonctures plus routinières.