Navigation – Plan du site
La Lettre n° 42 | Présentation
Témoignage
par Christian Jouhaud

Le Groupe de recherches interdisciplinaires sur l’histoire du littéraire

Le Groupe de recherches interdisciplinaires sur l’histoire du littéraire (GRIHL) est un groupe de recherche du Centre de recherches historiques (CRH). Créé en 1996 dans le projet d’associer, autour de dossiers de recherche partagés, des chercheurs issus de l’histoire sociopolitique de la culture et des chercheurs issus de l’histoire littéraire, il développe des enquêtes collectives, propose des journées d’étude et des ateliers de réflexion méthodologique, réalise des éditions de textes et offre chaque semaine un enseignement de la recherche. Institutionnellement, il associe le Centre de recherches historiques et l’École doctorale de littérature française et comparée de l’université de Paris III, mais compte aussi plusieurs membres appartenant à d’autres institutions. À l’origine centré sur une chronologie moderniste (XVIe-XVIIIe siècle), il a, depuis quelques années, étendu son champ de travail aux XIXe et XXe siècles.
En présentant « le littéraire » comme son objet, il propose certes des questionnements historiens de la littérature (comme activité et comme valeur historiquement construite), mais il envisage aussi, entre XVIe et XXe siècle (en Europe et d’abord en France), l’ensemble des pratiques scripturaires qui ne relèvent pas explicitement d’une discipline de savoir ou d’une finalité clairement institutionnelle. Cette définition en creux évite de trancher sur le statut des textes avant d’avoir élucidé leurs contextes de production et de réception et leurs différents usages. Il s’agit donc d’embrasser dans une série d’approches larges trois types d’objets :
- le littéraire comme réalité sociale ou sociopolitique : l’histoire des littérateurs, des institutions littéraires, des pratiques d’écriture, de publication, de destination, de réception ;
- l’histoire de la littérature comme valeur, comme discipline, et, à partir de là, des processus de « littérarisation » des productions intellectuelles, esthétiques etc. ;
- l’histoire des points de vue des littératures sur des réalités qui leur sont extérieures et qu’elles peuvent permettre de découvrir autrement par une efficace déstabilisation (on peut ainsi évoquer une histoire littéraire du pouvoir, de la philosophie, etc.). D’autre part, la démarche prend en compte l’histoire des historiographies « du littéraire » jusqu’au temps présent.

Site internet

Depuis 2002, le GRIHL dispose d’un site internet qui se veut non seulement une source d’informations pratiques, mais également un outil mis à la disposition de quiconque est intéressé par les thèmes de recherches abordés. À ce jour, on y trouve :
- le descriptif de tous les travaux collectifs achevés, en cours ou en projet ;
- le détail des journées d’étude qui ont été organisées dans le cadre du GRIHL ou en association avec d’autres groupes, comme le CARE ;
- les programmes des séminaires ;
- la présentation des membres du GRIHL et de ses associés ;
mais aussi :
- des bibliographies de thèses soutenues par des membres du GRIHL ;
- des bibliographies « évolutives » et de la documentation relatives aux travaux menés en séminaire ;
- plus d’une centaine de comptes rendus d’ouvrages ;
- un lien vers Les dossiers du Grihl, revue électronique éditée par le groupe ;
- un lien vers les vingt-quatre volumes du Mercure François (1605-1641) mis en ligne par Cécile Soudan, ingénieure de recherche.

Enseignement

Le GRIHL propose un séminaire collectif hebdomadaire dont le thème pour 2010-2011 est : « Écritures du passé : visualisations, localisations ». La perspective est résolument interdisciplinaire : la marque identitaire de ce séminaire est de réunir des historiens et des littéraires autour d'objets et de problématiques définis en commun. Ce séminaire hebdomadaire du GRIHL se tient en alternance dans les locaux de l'EHESS et dans ceux de l'université Paris III-Sorbonne nouvelle. Cette particularité a permis aux membres du groupe d'éprouver dans la durée la fécondité du travail en commun et inversement de se trouver en position de mesurer le risque de la mise en concurrence des établissements et des équipes.
Quatre séminaires reliés au séminaire collectif, et assurant une présence pédagogique plus proche auprès des étudiants, sont en outre proposés par les membres du GRIHL enseignants-chercheurs à l’EHESS : « Généalogies des radicalités » (Jean-Pierre Cavaillé), « Écriture et événement » (Christian Jouhaud), « Les usages sociaux de la littérature au XIXe siècle » (Judith Lyon-Caen), « Le travail intellectuel : histoire (1600-1900)  (Dinah Ribard) ».
Ces cinq séminaires sont ouverts aux chercheurs confirmés ou débutants et aux étudiants de master. Ils accueillent aussi des auditeurs libres. Cette diversité et ce mélange ne sont pas subis mais considérés comme une force de l’enseignement de la recherche à l’EHESS.

Chantiers

Le GRIHL développe d’une part des enquêtes qui mobilisent une partie de ses membres : « Radicalisme spirituel, radicalisme politique, ordre et désordre dans la seconde moitié du XVIIe siècle » ou « Les écrits comme production locale : problématiques de la localisation », et, d’autre part, des travaux autour d’un thème fédérateur.
De la même manière qu’une recherche approfondie avait été menée pendant plusieurs années autour de la notion de publication (De la publication, Fayard, 2002), le GRIHL prépare un ouvrage collectif sur le thème « Écriture et action ». Cette recherche a donné lieu à plusieurs enquêtes ponctuées de journées d’études et de publications d’articles. Le livre en cours d’achèvement n’est pas, lui, un recueil d’articles, mais bien le fruit d’une écriture collective.
Action par l’écriture, action de l’écriture, action sur l’écriture, écritures de l’action constituent autant d’horizons pour ce travail pleinement installé sur le terrain de la fabrique du social et de l’action politique en plaçant sous la lumière l’écriture comme moyen d’agir – de multiples manières – dans le monde. En ce sens, la recherche porte sur les spécificités des actions d’écriture tout autant que sur leurs liens avec d’autres formes et modalités d’action dans le monde social. Il implique de s’interroger sur des actions que l’on peut précisément situer, ce qui conduit notamment à accorder une attention spécifique, mais non exclusive, aux acteurs producteurs d’écrits : les auteurs, professionnels ou non de l’écriture ou du savoir, mais aussi tous ceux qui interviennent dans la publication d’un écrit (éditeurs, commentateurs de divers ordres) – ces acteurs pouvant être analysés comme individus ou en tant qu’ils appartiennent à des groupes, communautés ou institutions. La capacité des écrits à fixer l’action, ou au contraire à la disséminer, ou à la relancer, leur aptitude à circuler dans l’espace et dans le temps (et donc à agir à distance du lieu de leur production initiale) sont également au cœur de cette recherche.
Un nouveau thème a commencé d’être travaillé dans le même esprit : « Voir le passé ? ». Qu’est-ce qu’un rapport au passé de l’ordre du « voir », qui cherche à « voir » ou qui est produit par du visible, par une « vision » ? Le passé que l’on voit n’est-il pas que le résultat d’une projection de notre présent (selon un procédé « allégorique » qui ferait du passé une image du présent) ? Comment au contraire repérer et accueillir les moments où un passé se projetterait sur le présent, y ferait irruption en déstabilisant l’ordre des temps et des représentations ? Plusieurs dossiers ont été présentés dans le cadre du séminaire et une journée d’études va tenter une exploration de la question à partir des objets et enjeux que présente le cinéma. Il nous semble en effet que peuvent s’y articuler une interrogation spécifique sur ce que signifie « voir » dans l’expression « voir le passé » (autrement dit sur les approches du passé et les pratiques de l’histoire qui passeraient par une visualisation) et une exploration des images du passé qui circulent et s’échangent hors du monde académique – à envisager notamment (mais pas exclusivement) dans leurs relations avec les constructions historiennes ou savantes. Comment le cinéma produit-il le passé comme passé – ou le passé comme histoire ? Comment le cinéma habite-t-il notre rapport au passé ? Si le cinéma est un des modes de connaissance du passé, du fait en particulier de sa mise en circulation et/ou récupération de toutes sortes d’images, comment ces images coexistent-elles, pour nous, avec d’autres formes d’existence du passé ?
Une collaboration a été engagée entre le GRIHL et la revue Penser / Rêver qui va déboucher sur un numéro consacré au « Temps du trouble ». Le thème « Voir le passé ? » permet ainsi, dans un de ses développements, une réflexion en commun avec des psychanalystes pour qui le travail du passé par des problématiques historiennes ne paraît pas sans rapport avec leurs propres questionnements et pratiques. Cette collaboration a été initiée à partir d’une journée d’études consacrée au livre de Michel Gribinski, Les scènes indésirables.

Éditions de textes anciens

Le GRIHL est associé au programme européen European Network for the Baroque Cultural Heritage (ENBaCH). Dans ce cadre, et à ce titre, il prend en charge l’édition scientifique sur support électronique d’une série de manuscrits ou ouvrages anciens :
- édition critique des Mémoires sur la vie de Messire Michel de Marillac, garde des Sceaux par Messire Nicolas Lefevre sieur de Lezeau, maistre des requestes ordinaire de l’Hostel du Roy et depuis conseiller ordinaire en son conseil d’Estat et direction des finances, à partir des manuscrits conservés à la Bibliothèque nationale de France, aux Archives nationales et à la Bibliothèque Sainte-Geneviève ;
- édition critique de l’Apologie pour Machiavelle, de Louis Machon (versions de 1643 et de 1668), gros ouvrage (900 pages manuscrites) inédit, pièce essentielle de l’écriture politique libertine au XVIIe siècle  (comme les écrits de Jean-Jacques Bouchard, en partie inédits préparés pour une édition papier, à paraître chez Champion) ;
- édition critique des Papiers Patin (manuscrit de Vienne) ;
- réédition de la revue Baroque publiée de 1965 à 1987, somme historiquement précieuse par son foisonnement et sa diversité issue des « Journées Internationales sur le Baroque ».

Quelques publications récentes

- Masculinité et "esprit fort" au début de l'époque moderne, Les Dossiers du Grihl, 2010-01, dir. Jean.-Pierre Cavaillé, Sophie Houdard et Cécile Soudan, http://dossiersgrihl.revues.org/3911;
- Dinah Ribard et Judith Lyon-Caen, L'Historien et la littérature, Paris, La Découverte, collection "Repères", 2010, 128 pages ;
- « Femmes, irréligion et dissidences religieuses (XIVe-XVIIIe siècles) », L'Atelier du Centre de recherches historiques, 04-2009, dir. Jean-Pierre Cavaillé, Sophie Houdard et Xenia Von Tippelskirch, http://acrh.revues.org/index1204.html;
- Christian Jouhaud, Dinah Ribard et Nicolas Schapira, Histoire Littérature Témoignage. Écrire les malheurs du temps, Paris, Gallimard, collection Folio Histoire, 2009, 405 p. ;
- Dissidence et dissimulation. Dissent and dissimulation/Dissidenza e dissimulazione, Les Dossiers du Grihl, 2009-02, dir. Jean-Pierre Cavaillé et Antony Molho;
- Localités : localisation des écrits et production locale d'actions, Les Dossiers du Grihl, 2008-01, dir. Mathilde Bombart, Alain Cantillon et Cécile Soudan, septembre2008.

Quelques journées d’études récentes

- « Dissidences. Jalons dans l'œuvre de Leszek Kolakowski (1927-2009) », journée d'études CARE / GRIHL, avril 2011 ;
- « Nicolas Lefevre de Lezeau et l'écriture », journée d’études GRIHL / CRHM (EA 127, Université Paris I Panthéon-Sorbonne), mars 2011 ;
- « Expérience religieuse, expérience littéraire », journée d'études CARE / GRIHL – Paris III), juin 2010 ;
- « Figures et activités du critique XVIIe-XIXe siècle », mai 2010 ;
- « Michel Gribinski et Les scènes indésirables », avril 2010 ;
- « Le prédicateur, langues, langages et niveaux de langue », journée d'études CARE / GRIHL, juin 2009.