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La Lettre n° 69 | e-Ressources
par Émilien Ruiz

Pourquoi déposer sa thèse dans TEL ?

Développé par le Centre pour la communication scientifique directe, unité du CNRS créée en 2000, le serveur TEL (pour « thèses en ligne ») est un environnement particulier de HAL (pour « hyper article en ligne »), archive ouverte de dépôt de travaux scientifiques en libre accès. Il ne s’agit pas de ce que l’on appelle communément un « dépôt électronique » de thèse, remplaçant le dépôt papier de plus en plus utilisé par les universités, mais d’un « auto-archivage » et d’une mise à disposition de tous d’une thèse (ou d’un mémoire d’habilitation à diriger des recherches) par son auteur.

L’objet de ce texte est de préciser les raisons pour lesquelles j’ai décidé de mettre en ligne ma thèse sur ce serveur immédiatement après l’avoir soutenue, afin de vous inviter à envisager cette possibilité pour vos propres travaux.

Dans le cadre de diverses interventions ou formations aux outils numériques pour les sciences sociales, il m’est régulièrement arrivé de défendre l’idée selon laquelle la norme devrait être le libre accès et non l’inverse… C’est la première raison pour laquelle j’ai déposé ma thèse sur TEL. Ma démarche, bien réfléchie, repose sur plusieurs arguments

D’abord, ayant bénéficié d’une allocation de recherche du ministère de l’Enseignement supérieur et de la Recherche puis d’un emploi d’ATER, j’ai mené une recherche doctorale financée sur fonds publics. La communication du fruit de ce travail à toute personne intéressée m’a donc semblé s’imposer d’elle-même… Sur ce point, je rejoins ainsi la position de Claire Lemercier, dont la thèse et le mémoire d’HDR sont disponibles sur TEL, qui expliquait dans un entretien : « c’est en partie une question de principe : en France en tout cas, les producteurs de travaux scientifiques en SHS sont dans leur immense majorité fonctionnaires ou bénévoles, je ne vois donc pas de raison pour leurs productions ne bénéficient pas à tous. » De tels enjeux font l’objet de débats importants ces dernières années et le libre accès progresse : aux États-Unis par exemple, une loi adoptée le 17 janvier 2014 dispose que les résultats de travaux financés sur fonds publics devront être diffusés selon ses principes.

Ensuite, l’archivage numérique offre à une thèse non encore publiée une audience que le seul dépôt en bibliothèque ne permet pas. J’ai soutenu ma thèse le 16 septembre 2013, elle est accessible sur TEL depuis quatre mois et, selon les statistiques fournies par le serveur, sa page de présentation a été consultée près de mille fois tandis que le fichier PDF a été téléchargé plus de trois cents fois – en grande majorité depuis la France, mais aussi depuis les États-Unis et d’autres pays d’Europe. Cet accroissement de la visibilité d’une thèse peu de temps après sa soutenance est important du point de vue du débat scientifique, mais aussi dans le contexte, plus prosaïque, des candidatures : en déposant votre thèse sur TEL, vous offrez à d’éventuels recruteurs la possibilité de prendre connaissance de vos travaux en quelques clics. En outre, un dépôt en ligne vers lequel renvoyer vos interlocuteurs lors de séminaires, de colloques, etc. vous permettra de faire de substantielles économies en vous évitant d’avoir à réimprimer la thèse…

Bien entendu, il existe des contre-arguments et, pour beaucoup, le dépôt en ligne d’une thèse comporte certains risques. Peut-être est-ce la raison pour laquelle au 25 janvier 2014, parmi les 32 000 documents en texte intégral déposés sur TEL, on ne compte que 336 thèses et mémoires d’HDR classés en Histoire… parmi lesquels seulement 29 ont été soutenus à l’EHESS (169 toutes disciplines confondues).

Le premier questionnement concerne généralement la possibilité de trouver un éditeur alors que le livre potentiel aura déjà été mis en ligne. Cette question mérite sans aucun doute d’être posée (à votre jury de soutenance par exemple). Dans mon cas, la réponse fut rapide : compte tenu de ses dimensions et de sa structure, ma thèse n’était pas publiable en l’état. C’est en réalité le cas de quasiment tous les travaux universitaires, dont la publication par un éditeur commercial implique presque toujours une réécriture. De plus, la possibilité de renvoyer vos lecteurs potentiels à la thèse originale me semble vous offrir la possibilité d’une réduction moins frustrante de l’appareil critique… Le second argument correspond au risque de plagiat, pratique bien réelle dans le monde universitaire, loin d’être l’apanage des étudiants. En réalité, la mise en ligne me semble être un instrument de lutte contre le plagiat bien plus efficace qu’un dépôt dans une seule bibliothèque universitaire. D’abord, référencée en ligne, une thèse est mieux connue ; ensuite, les logiciels anti-plagiat – de plus en plus utilisés par les universités – moissonnent les dépôts d’archives ouvertes.

Il n’y a donc plus qu’à vous lancer ! Et après avoir déposé votre thèse ou votre HDR dans TEL, vous pourriez continuer à vous investir dans la diffusion de vos travaux en ligne, avec l’ouverture d’un carnet de recherche sur Hypothèses ou Culture visuelle par exemple…

Pour aller plus loin

Sur les archives ouvertes et le libre accès : Franziska Heimburger, « Open Access - quelques ressources pour entrer dans le débat », La boîte à outils des historiens, 21 mai 2013 ; « Les archives ouvertes. Questions à Jacqueline Nivard, chargée de mission », La Lettre de l’EHESS, n°34, juillet 2010.

Sur le dépôt de thèse dans TEL : Sandrine Ruhlmann « Complémentarité des publications en ligne et papier », La Lettre de l’EHESS, n°67, décembre 2013 ; « Déposer sa thèse sur tel.archives-ouvertes.fr », La Lettre de l’EHESS, n°52, mai 2012.

Pour s’informer et lutter contre le plagiat, voir le blog de Jean-Noël Darde, maître de conférence en Sciences de l’information et de la communication à l’université Paris 8, Archéologie du "copier-coller" ; ainsi que celui de d’Hélène Maurel-Indart, professeur de littérature à l’Université de Tours, Le Plagiat. Voir aussi la page « Plagiat » sur form@doct, site très riche développé par les bibliothèques des universités de Bretagne.

Pour plus de renseignements contacter Jacqueline Nivard.