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La Lettre n° 67 | e-Ressources
Complémentarité des publications en ligne et papier
par Sandrine Ruhlmann

Complémentarité des publications en ligne et papier

Deux ans après la soutenance de ma thèse (Le partage des prémices et du fond de la marmite. Essai d’anthropologie des pratiques alimentaires chez les Mongols Xalx, thèse d’anthropologie sociale et ethnologie, soutenue à l’EHESS le 20 décembre 2006, sous la direction de Françoise Sabban), sur le conseil avisé d’un ami et collègue chercheur, j’ai sans hésiter déposé ma thèse en format PDF sur l’archive ouverte HAL-SHS. C’est donc en qualité de fraîche diplômée que j’ai mis à disposition — accès libre et gratuit — l’intégralité de ma thèse de doctorat en anthropologie sociale et ethnologie. Cette thèse, présentant un travail anthropologique sur les pratiques alimentaires mongoles au début du XXIe siècle, comprend en format papier 574 pages, 124 dessins à main levée, schémas et photographies, 2 glossaires, 321 références bibliographiques. Cette thèse a été imprimée en 15 exemplaires pour la soutenance : un exemplaire pour chacun des membres du jury (ils étaient cinq), un exemplaire pour mes parents, un exemplaire pour le Centre d’études mongoles & sibériennes, un exemplaire pour l’École des hautes études en sciences sociales, un exemplaire pour moi-même, six exemplaires pour la première année de candidatures — seul l’exemplaire papier était alors autorisé en 2007.

J’ai immédiatement mesuré les intérêts d’un dépôt en ligne à l’aube des multiples candidatures pour l’obtention de la qualification à la fonction de maître de conférence, aux postes de maître de conférences et au concours chercheur du CNRS : la visibilité, l’économie d’argent et de temps, le geste écologique, grâce au lien URL communiqué aux rapporteurs et dans les dossiers de candidatures — la plupart sont désormais en ligne et d’utilisation simple.

Pour les candidatures, on nous recommande vivement de publier au plus vite — la publication impliquant une réduction de moitié et une réécriture. Le texte original, soutenu, renferme donc des détails que des chercheurs et étudiants de notre discipline, de notre spécialisation thématique ou culturelle, des chercheurs et étudiants d’autres disciplines, français et étrangers voudront consulter, ne serait consultable — sur place — que dans deux lieux parisiens, l’EHESS et le CEMS. Cette mise en ligne immédiate est à ce titre précieuse à mes yeux, car elle constitue un partage des connaissances sans crainte d’être plagiée et sans condition, quand bien même la publication en format papier bénéficie d’une reconnaissance bien supérieure aux publications sur une interface virtuelle.

Une thèse intitulée Le partage des prémices et du fond de la marmite est quelque chose comme une thèse sur les chevaliers-paysans de l’an mille sur le bord du lac de Paladru. C’est un ouvrage basé sur une spécialisation, des descriptions sont pointues et focalisées sur des détails. L’ouvrage tiré de ma thèse ne comportera pas nombreux de détails significatifs dans le cadre du texte soutenu pour le doctorat. Ces détails sont importants pour des archéologues, historiens, sociologues, ethnologues et technologues. Il est donc important qu’ils puissent y accéder, librement et gratuitement, à tout instant de leur réflexion, en bibliothèque — phase de recherche active — comme à domicile — où s’installent généralement les chercheurs en phase de réflexion-rédaction.

Quand je me rends à un séminaire, à une journée d’étude, à un colloque, je suis heureuse de rencontrer des étudiants et collègues chercheurs me dire qu’ils connaissent mon travail parce que ma thèse est en ligne. Je suis heureuse lorsque des chercheurs et étudiants français et étrangers m’envoient un courrier électronique pour me remercier d’avoir mis ma thèse en ligne. Enfin, je suis heureuse que des chercheurs ayant intégré le milieu de l’entreprise m’apprennent qu’ils ont consulté ma thèse en ligne et que cela les a aidés dans l’élaboration de leurs projets professionnels — personnes avec qui je suis entrée en contact sur des sites de réseaux sociaux pour professionnels. Car cela signifie que la mise en ligne des documents de recherche favorise la diffusion des savoirs et des connaissances. C’est en quelque sorte un juste retour des savoirs et des connaissances dont j’ai bénéficié pendant mon parcours universitaire. Tous ont apprécié l’accès facile, rapide, gratuit à mon ouvrage de thèse.

Je suis tentée d’aller récupérer mes manuscrits de mémoires DEUG (gens du voyage) et de licence (jongleurs) pour les scanner et les mettre en ligne, car bien souvent on m’en demande une version PDF qui n’existe pas — mon mémoire de DEUG, datant de 1997, n’existe qu’en un exemplaire, exemplaire manuscrit !

Malgré tout, j’aime sentir le papier, l’encre imprimée, tourner les pages, tâter la couverture, placer le livre dans ma bibliothèque, le ressortir, le prêter, le faire circuler, et le voir revenir, le feuilleter à nouveau. L’ouvrage tiré de ma thèse sera prochainement publié dans la collection papier de thèses Nord-Asie rattachée à la revue en ligne Études mongoles et sibériennes, centrasiatiques et tibétaines — je suis la responsable de l’édition électronique de cette revue en ligne sur revues.org et la secrétaire d’édition de l’édition papier de la collection de thèses Nord-Asie.

Et Katia Buffetrille, Jean-Luc Lambert, Nathalie Luca et Anne de Sales ont offert un bel et le ultime numéro papier des Études mongoles et sibériennes, centrasiatiques et tibétaines en hommage à la fondatrice, Roberte Hamayon, en 2013.

Je conclus de cette double expérience — mise en ligne de ma thèse de doctorat et édition en ligne d’une revue scientifique — que la mise en ligne des divers travaux scientifiques (thèse, articles, revues, revue de littérature, bibliographie, etc.) ne nuit en rien à la publication-diffusion des travaux en format papier. C’est un mode de diffusion qui du point de vue de beaucoup de chercheurs apparaît comme étant démocratique par bien des aspects.