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La Lettre n° 85 | Échos de la recherche
Global History Collaborative : la première école d’été

Global History Collaborative : la première école d’été

Par Sarah Abel, Gabriela Goldin, Sakiko Nakao et Andrea Tosato

Quels sont les liens entre les jésuites de la Nouvelle Espagne exilés en Italie au XVIIIe siècle, les luttes des jeunes panafricanistes au temps de la décolonisation en Afrique de l’Ouest, et la technologie japonaise pour la culture du riz dans les montagnes chinoises des années 1980 ? C’est ce qu’on se demandait lors de la lecture préparatoire des vingt communications qui allaient fournir matière à discussion pour la première école d’été du Global History Collaborative (GHC), organisée du 7 au 13 septembre 2015 à Tokyo et Sapporo au Japon. Conçu en avril 2014, ce projet réunit les universités de Berlin (Humboldt et Freie Universität), l’université de Princeton, l’université de Tokyo et l’EHESS (Paris) autour d’événements qui ont pour but de discuter des enjeux et méthodes de l’histoire globale et de faire avancer la recherche dans ce champ.

Ayant décollé de Paris le samedi matin, nous atterrîmes à Tokyo le lendemain à l’aube, sous un ciel gris qui n’allait jamais s’éclaircir, un typhon s’abbattant sur l’île depuis une semaine. Loin d’être anécdotique, cette expérience de la distance et du dépaysement marquait le ton de la semaine à venir : des échanges intenses sur des sujets aussi divers que possible, autant par les thèmes que par les périodes et les aires géographiques abordées. Envisagée sous l’angle méthodologique de la variation des échelles, la pluralité disparate trouve un sens à partir de l’hypothèse selon laquelle les histoires, même lorsqu’elles sont très localisées ou nationales, gagnent à être lues ou relues à la lumière du global ou du transnational. C'est justement la complémentarité des échelles plutôt que leur opposition ou leur exclusivité qui nous ont permis de discuter ensemble: en effet nous partagions, à la suite de Jacques Revel et Carlo Ginzburg, l'intérêt de varier les échelles au sein d'une même approche.

Pendant cinq jours, les doctorants et les collègues des quatre institutions ont consacré collectivement une heure de discussion approfondie au projet de chacun. Un des plus grands intérêts de l’expérience a été sans doute le fait de mettre à l’épreuve notre sujet, ainsi que les thèmes de réflexion généraux, au long de séances réunissant des interlocuteurs issus de différentes horizons historiographiques. Le “collaborative” fut aussi le fait de prendre conscience - par la confrontation avec des jeunes chercheurs formés au Japon, aux Etats-Unis ou en Allemagne, des historiens économiques ou d’histoire culturelle, des spécialistes de l’océan Indien ou de l’Afrique - de notre propre situation, du lieu d’où l’on écrit (positionality en anglais) ou on parle (pour reprendre aussi une question chère à la sociologie de P. Bourdieu).

La qualité des échanges n’aurait-elle sans doute pas été la même sans l’intimité et les relations de confiance et d’amitié qui se sont créées au cours d’une semaine de vivre-ensemble, logés dans des ryokan (auberge japonais traditionnel) partageant les chambres en tatami, la nourriture et même les bains ! Ce fut un véritable privilège de faire partie de la première édition de cette expérience qui, nous l’espérons, n’est que le début de collaborations intellectuelles et globales futures.

La prochaine école d’été aura lieu au printemps 2016, du 7 au 15 mai, à Princeton, selon des modalités similaires. Un appel d’offre pour les doctorants intéréssés sera bientôt ouvert.