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La Lettre n° 54 | Dans les centres et les services | Départs à la retraite
Françoise Acker
par Martine Bungener

Françoise Acker

Françoise Acker s’est construite, étape après étape, une trajectoire de recherche et un parcours professionnel singuliers, autonomes et particulièrement cohérents qui en font une des rares spécialistes internationalement reconnus de la profession infirmières.

Sa carrière débute 1974, au Centre d’études et de recherches sur les qualifications (CEREQ), dans le département « Qualification du travail » où elle est en charge de l’analyse de l’évolution des systèmes de travail, de l’emploi et de la formation des professions de santé. Ses travaux s’inscrivent parfois dans des dispositifs plus larges tels la refonte des nomenclatures de l’Insee ou celle des statuts de la fonction publique hospitalière et se déploient dans de multiples situations : groupes de travail des services des administrations centrales (Santé, Travail, Education nationale, négociations avec les partenaires sociaux), de l’OCDE, de la Communauté Européenne, ce qui lui a permis d’appréhender de nombreuses dimensions qui caractérisent les modes de définition et d’évolution des professions de santé. Mobilisant approches statistiques, observations et entretiens ethnographiques, elle en fera la matière d’un DEA de sociologie obtenu en 1987, à Paris VII.

En 1992, elle rejoint le Centre de recherche Médecine, sciences, santé et société (CERMES), laboratoire de l’EHESS, également rattaché au CNRS et à l’Inserm créé par Claudine Herzlich et Marc Augé en 1986.

Poursuivant son questionnement sur l’organisation des soins et les reconfigurations du travail infirmier, elle y initie et développe un objet de recherche jusque-là absent du programme scientifique de l’unité : l’emploi et la qualification du travail dans le champ de la médecine et de la santé, et définit un axe de recherche sur les pratiques infirmières qui n’existait pas encore en France, portant notamment sur les modes de formalisation du travail infirmier – informatisation des unités de soins, dossier de soins, dictionnaire des soins infirmiers – et sur les pratiques quotidiennes des soignants en mobilisant une démarche interactionniste et la « grounded theory » de Anselm Strauss en particulier. Ce thème est particulièrement pertinent dans le contexte actuel de transformation du système de santé, ainsi le raccourcissement des durées de séjour hospitalier engendre des difficultés inédites que les infirmières comme d’autres professionnels doivent affronter. L’écoute et l’accompagnement des patients, qui constituent une norme professionnelle forte, font l’objet d’une modulation liée à la charge de travail, au temps de présence du patient, aux difficultés repérées et attendues, à l’existence ou non de collectifs de travail permettant aux professionnels de partager leurs difficultés et de réfléchir à des modes de prise en charge appropriés, d’apprendre les uns des autres et de se réassurer. Et la profession connaît une pénurie et une désaffection problématique. Fondés sur des approches de l’action concrète située, développés au carrefour des sciences sociales et cognitives et articulés avec une prise en compte du nouveau contexte de pilotage de l’offre de soins, ses travaux montrent qu’au delà d’une simple réorganisation des soins, c’est la nature même des soins infirmiers qui est en cause, ainsi que leur articulation avec le travail médical. Au travers de l’étude des processus de formalisation des soins et de constructions d’outils de la pratique (dossier de soins, plans de soins, diagnostics infirmiers, protocoles...), ses approches du travail ont permis de comprendre comment les infirmières, individuellement et collectivement (collectifs de travail) s’engagent dans le travail de soins en articulant une représentation des soins, les outils de soins et les soins eux-mêmes. La portée pratique et politique de ses résultats a été reconnue et valorisée par les décideurs. Par exemple, les recommandations formulées dans le rapport de l’Observatoire national de la Démographie des Professions de Santé (ONDPS) dans le quel elle a été très impliquée, ont été retenues par différentes directions du ministère de la Santé. Souhaitons qu’elle ait des successeurs aussi motivés et innovants.

Bibliographie (extraits)

2011, Acker F., Bourret P., De quelques dimensions de l’invisibilité des soins, Pratiques ou les cahiers de la médecine utopique, 52 : 12-15.

2009, Acker F., Le travail de confort. Un travail au fondement des soins, mais un travail parfois empêché, peut-être en péril, Pratiques ou les Cahiers de la médecine utopique, 45 : 63- 66.

2009, Acker F., Comment disposer des ressources professionnelles de demain ? Questions pour le recrutement des infirmiers en France, in : Le "recrutement" des infirmières : de la formation aux pratiques d’une profession de santé. Regards croisés et analyses comparées entre pays, Rapiau M.T. (ed), L’Harmattan, 90-111.

2005, Acker F., Infirmières : des pratiques en redéfinition, in : La Santé. Un enjeu de société, Sciences humaines, (48, hors série), 48-51.

2005, Acker F., Les reconfigurations du travail infirmier à l’hôpital, Revue française des Affaires Sociales, mai, (1), 161-181.

2004, Les infirmières en crise, Mouvement, (32), mars-avril, 60-66.

2003, Acker F., Infirmières, une profession en crise ? in : La crise des professions de santé, J. De Kervasdoué (Dir.), Dunod.

2003, Acker F., Pennognon L., Tréhony A., L’Evolution de l’emploi dans les établissements publics et privés, 1983-1996, Editions de l’ENSP.

2000, Acker F., Etre et rester infirmière, Soins, (645), 36-39.

1998, Acker F., Baszanger I., Organisation du travail et interactions autour de la prise en charge de la douleur, in : L’enfant et la douleur : familles et soignants, J. Cook et A. Tursz (eds.), Syros, 123-141.

1997, Acker F., Sortir de l’invisibilité, le cas du travail infirmier, Raisons Pratiques, 8 “Cognition et information en société”, B. Conein et L. Thévenot (Dir.), 65-94.