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La Lettre n° 40 | Présentation
par Alain Blum et Marta Craveri

Archives sonores. Mémoires européennes du Goulag

Les camps de travail et les colonies spéciales du goulag soviétique constituent une expérience européenne et pas seulement russe. Il existe dans les pays qui ont récemment rejoint l’Union européenne, une mémoire et un héritage ignorés ailleurs en Europe. Cette expérience devrait désormais faire partie de la mémoire en construction de l’Europe toute entière.

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Brigade féminine de déportées

Rimgaudas Ruzgys

Coordonnée par le Centre d’études des mondes russe, caucasien et centre-européen (CERCEC), en coopération avec Radio France Internationale (RFI), une équipe européenne de chercheurs, anthropologues, géographes, historiens et sociologues, est partie à la recherche de documents d’archives, de témoignages de survivants, d’objets et de documents personnels liés à la déportation en Union soviétique de citoyens appartenant aux pays de l’Europe centrale et orientale annexés, occupés ou « libérés » par les Soviétiques avant et après la Seconde Guerre mondiale.

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Match de boxe dans un camp du Goulag

Juozas Eidikavicius

Nous avons enregistré 160 témoignages dans leur pays d’origine, en Allemagne, Estonie, Hongrie, Lettonie, Lituanie, Pologne, Roumanie, République tchèque et Ukraine, ou dans les pays où ils sont allés après leur libération, comme l’Italie, la France et l’Angleterre. Nous sommes aussi allés en Sibérie et au Kazakhstan retrouver ceux qui sont restés là où ils avaient été déportés.

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Ce sont tous ces matériaux que nous mettons à disposition dans le musée virtuel « Archives sonores. Mémoires européennes du Goulag », qui sera accessible à partir du vendredi 11 mars 2011. Nous cherchons à préserver les histoires de vie de nos témoins, tout en reprenant autour d'un ensemble de thèmes les moments forts communs à nombre d'entre eux. En combinant des salles thématiques et biographiques, des approches cartographiques et chronologiques, nous souhaitons notamment mettre en valeur les parcours des témoins et souligner la relation entre histoire de vie et événements historiques.

À l’occasion de l’ouverture de ce musée virtuel, nous organisons une rencontre avec Teodor Shanin, actuellement président de l’École de sciences économiques et sociales de Moscou (MSSES) et professeur à l’université de Manchester, qui fut déporté à Wilno (Vilnius) en URSS en juin 1941, à l’âge de onze ans (cf. courte biographie ci-dessous). Cette rencontre, suivie par la présentation publique du musée virtuel, aura lieu vendredi 11 mars à l’EHESS.

Ce projet a reçu le soutien de l’Agence nationale de la recherche. Il est mené par le Centre d’études des mondes russe, caucasien et centre-européen en collaboration avec Radio France Internationale, le Centre Marc Bloch (Berlin), le Cefres (Prague), le Centre franco-russe de recherche en sciences sociales et humaines (Moscou). Alain Blum et Marta Craveri en sont les coordinateurs, avec Valérie Nivelon pour RFI.

Courte biographie de Teodor Shanin

Un jour de juin 1941, alors que les Allemands se rapprochent de Vilnius, capitale d'une Lituanie soviétique depuis peu, un officier du NKVD, accompagné de soldats, arrive au domicile de Teodor Shanin, pour arrêter sa famille en raison de leurs origines sociales.

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Intérieur d’un wagon

Dessin de Valli Arrak

Teodor a onze ans, il se trouve là avec ses parents et sa petite sœur de quatre ans. L’officier a cependant un geste étonnant : il leur dit que, compte-tenu des contrées difficiles où ils allaient être déportés, il fermerait les yeux s’ils laissaient la petite sœur à quelqu’un. Ce qu’ils firent, en la confiant au grand-père.

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Réfectoire dans un camp

Juozas Eidikavicius

Le père est condamné aux travaux forcés et envoyé dans un camp en Sibérie. Teodor et sa mère commencent alors un long voyage de déportation dans divers villages, depuis les montagnes de l’Altaï jusqu’à Samarcande. Son père, une fois libéré des camps, les rejoint et, la guerre finie, Teodor quitte le pays en passant par Vilnius pour rechercher sa sœur. Il ne la retrouve pas. Elle a subi le sort de tous les Juifs de Vilnius et été fusillée très vite après l’arrivée des Allemands dans la ville.
Teodor part alors en Pologne, qu’il fuit rapidement, en raison des violences antisémites. Il rejoint la France, Israël, puis l’Angleterre où il devient professeur d’université et l'un des plus grands spécialistes de la paysannerie russe. Dès le début de la perestroïka, il enseigne en Russie, tout en continuant son travail en Angleterre.