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La Lettre n° 89 | Échos de la recherche
Une histoire comparée et connectée des christianismes à l’Est de l’Europe et au Proche-Orient
par Bernard Heyberger

Une histoire comparée et connectée des christianismes à l’Est de l’Europe et au Proche-Orient

Bien que l’historiographie récente ait commencé à étudier les communautés chrétiennes d’Europe de l’Est et de l’Empire ottoman entre le XVIe siècle et la Première Guerre mondiale, plusieurs raisons ont empêché jusqu’à aujourd’hui de connecter et de comparer ces différentes aires culturelles qui ont pourtant connu, du temps des Réformes à l’âge du nationalisme, des évolutions comparables. Le but de ce séminaire est justement :

De comparer les changements survenus dans les Églises et aires culturelles concernées à partir d’un certain nombre de critères comme la production de livres, les précisions dogmatiques, le système scolaire, les ordres monastiques…

D’étudier les formes de connexion entre l’Orient et l’Occident (catholique et protestant), mais aussi entre Est et Est.

Des caractéristiques du fonctionnement interne des Églises orientales dans l’Empire ottoman peuvent être comparées et discutées. Elles sont souvent proches de ce qu’on peut observer du fonctionnement de l’Église et de la gestion du pluralisme dans les autres empires (Venise, Fédération polono-lithuanienne, Empire russe). L’époque choisie est aussi marquée par l’innovation administrative dans les Églises, en interaction avec les différentes politiques des États.

La réforme signifie souvent, même chez les orthodoxes, l’introduction d’une discipline inspirée du Concile de Trente, fondée sur des normes écrites et caractérisée par l’homogénéisation des pratiques, de l’ordre hiérarchique, et de la culture. L’introduction de l’imprimerie dans ces différentes aires culturelles entraîne un développement de la lecture et de l’écriture, mais soulève une série de questions, par exemple sur la forme à donner à l’édition scientifique des textes, la nécessité d’une réforme liturgique ou de précisions dogmatiques, et le choix de la langue. Etudier ce contexte conduira à alimenter les discussions actuelles sur les formes et les chronologies d’une « confessionalisaiton » dans le contexte des Églises orientales, en relation avec les débuts d’une « ethnicisation » de la religion et l’introduction de l’idée de « nation ».

L’érudition catholique et protestante offrait de nouveaux outils pour interroger l’histoire et la tradition, mais obligeait les savants et les dirigeants des Églises orientales à répondre à des questionnaires élaborés à l’Ouest, dans le contexte des controverses catholiques/protestants, par exemple sur les sacrements ou sur la structure de l’autorité dans l’Église. L’aspiration et la dynamique à unifier l’Orthodoxie à une échelle globale, de Moscou à Alexandrie, feront l’objet d’une attention particulière dans ce projet. Les nombreuses connexions entre les différents centres de l’Orthodoxie sont encore quasiment ignorées, mais commencent à retenir l’attention des chercheurs. D’importants transferts culturels entre les chrétientés orientales peuvent être observés.

Naturellement, la création d’Églises « unies » à Rome (Ruthènes, Melkites, Chaldéens) est au cœur de ces changements. L’émergence d’une identité catholique orientale est soumise à la double contrainte imposée aux Églises, de se réformer selon le modèle tridentin et de rester fidèle à la tradition particulière dont elles sont les porteuses. Jusqu’à nos jours, cette double contrainte marque la culture des membres de ces Églises, qui jouèrent un rôle spécifique à l’origine des différents nationalismes (ukrainien, arabe, arménien.).

Le projet de ce séminaire s’inscrit dans les approches actuelles d’une « histoire globale à petite échelle ». Il a des connexions spécifiques avec les recherches portant sur la Méditerranée et celles qui traitent des interactions entre l’Occident et l’Orient. Il se concentre concrètement sur les questions d’espace et de circulation : territoires, frontières, et itinéraires suivis par les hommes, les textes et les objets.