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La Lettre n° 34 | Les Éditions de l'EHESS
par Anne Madelain

De Prague à Oxford, les Éditions de l’EHESS animent le débat sur l’édition savante

Pour un chercheur, la diffusion de son travail n'a jamais été si facile et en même temps si problématique qu’aujourd’hui. Pour l'éditeur, l'effort pour publier des travaux de recherche, traduire, atteindre un public et même décider si tel travail doit devenir un livre ou être diffusé d'une autre manière, est devenu plus complexe. Quelles sont les conséquences de la révolution numérique sur les pratiques éditoriales et la diffusion de la recherche ? Comment évolue la circulation internationale des sciences humaines et sociales (SHS) alors que la traduction engage des coûts souvent rédhibitoires et nécessite un travail important pour acclimater la pensée étrangère ?
Telles ont été quelques unes des questions soulevées dans les débats organisés à l’Institut français de Prague le 12 mai dernier à l’occasion de la Foire du livre, et à la Maison française d’Oxford (MFO) le 18 mai pour des regards croisés franco-britanniques sur l’édition de sciences humaines. Deux événements auxquels les Éditions de l’EHESS ont été étroitement associées et qui ont trouvé leur place dans le cycle « Éditer les sciences sociales aujourd’hui ». Ce cycle de conférences et de tables rondes, qui associe chercheurs, acteurs de la chaîne du livre, institutionnels et praticiens des sciences sociales, entend ouvrir une réflexion collective sur les conditions, les buts et les problèmes de l’édition en sciences humaines.
À Oxford, la journée d’étude co-organisée par la MFO et les Éditions de l’EHESS a permis de confronter les points de vue de rédacteurs de revues à rayonnement international (Past and Present, les Annales, History Workshop Journal), d’éditeurs, de traducteurs, d’agents littéraires et de représentants de grandes bibliothèques universitaires (en particulier la Bodleian Library).
Organisées par le Bureau du livre de l’Ambassade de France et le Centre français de recherche en sciences sociales (Cefres) de Prague, le colloque « Éditer et traduire les sciences humaines aujourd’hui » entendait poursuivre la réflexion entamée en janvier 2009 par les Éditions de l’EHESS sur la circulation des SHS dans l’Europe élargie. Il a eu lieu au moment de la Foire du livre de Prague et de rencontres professionnelles d’éditeurs français et tchèques autour des échanges de droits.
Si à Oxford l’accent était mis sur le développement du numérique et la réalité de l’anglais comme langue de communication des sciences sociales, on a insisté à Prague sur le multilinguisme et l’usage pluraliste et pragmatique à la fois des langues et du partage entre édition papier et numérique.
Après avoir initié le manifeste « Pour une édition en sciences humaines réellement européenne », né du constat de l’insuffisance et des déséquilibres des échanges intellectuels sur le continent européen, les Éditions de l’EHESS lancent aujourd’hui une réflexion sur les besoins en traduction des textes de sciences humaines dans l'Europe élargie. Il s’agit de tirer la sonnette d’alarme sur l’urgence d’une réelle politique d’aide à la traduction d’ouvrages scientifiques au niveau européen et de définir les bases, en termes de contenus, de la mobilisation des éditeurs (privés et publics) et des chercheurs signataires. Ou, en d’autres termes, « faire en sorte que les sciences sociales se rapprochent du monde social alors que ce qu’elles proposent est le regard de la complexité, y compris de la complexité des modes de pensée », selon Christophe Prochasson (interview du 18 mai 2010, Radio Prague).