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La Lettre n° 80 | Échos de la recherche
par Sébastien Goulard

Le dépôt de thèse en ligne : une évidence

Thèse et publication

Publier sa thèse est sans doute plus gratifiant pour un chercheur. C’est généralement la première fois qu’il est l‘auteur unique d’un ouvrage édité. Cependant, peu de thèses peuvent être publiées telles quelles, et la plupart nécessitent une réécriture. De plus, comme l’a déjà noté Emilien Ruiz (Emilien Ruiz, « Pourquoi déposer sa thèse dans TEL ? », La Lettre de l’EHESS n°69, février 2014, consulté le 10 février 2015), la mise en ligne d’une thèse n’empêche pas la publication chez un éditeur des principaux résultats de nos travaux. Une étude parue en 2013 montrait que près de trois quart des éditeurs de travaux universitaires ne considéraient pas le dépôt d’une thèse en accès libre comme un obstacle à sa publication (Marisa L. Ramirez, Joan T. Dalton, Gail McMillan, Max Read and Nancy H. Seamans, "Do open access electronic theses and dissertations diminish publishing opportunities in the social sciences and humanities?", College and Research Libraries n° 74, juillet 2013, pp.368-80, disponib, consulté le 10 février 2015).

Déposer ma thèse en ligne a été pour moi une évidence. Dans d’autres secteurs, comme la musique, des créateurs choisissent de mettre en ligne gratuitement leur production principalement pour se faire connaître. Je pense qu’une démarche similaire doit être adoptée par les jeunes chercheurs.

Accroitre sa visibilité

Tout d’abord, il s’agit d’augmenter sa visibilité. Et dans ce cas, le dépôt en bibliothèque et/ou sur microfilms n’est clairement pas suffisant. Qui parmi nous n’a pas déjà « googlisé » un autre chercheur, pour lire certains de ses travaux ?

Durant mes recherches, j’ai bien sûr été amené à consulter d’autres thèses. Mais le choix des thèses que j’ai lues en bibliothèque ne résultait pas du fruit du hasard ni même de ma curiosité. J’avais cherché ces thèses, et je les savais disponibles dans telles bibliothèques.

Je n’ai évidemment pas suivi la même démarche pour les thèses que j’ai consultées en ligne. J’ai pu consulter des travaux qui a priori étaient éloignés de mon sujet – et que je n’aurais sans doute pas consultés s’ils n’avaient été disponibles qu’en bibliothèque –, mais grâce auxquels j’ai pu répondre à certaines questions, et progresser dans mes recherches. Je peux ainsi dire que les deux thèses qui m’ont le plus servi pour mes travaux provenaient d’une université canadienne de l’Ontario (University of Waterloo). L’Université de Waterloo, Canada met en ligne l’ensemble des thèses et mémoires soutenus sur UWSpace), et je doute que j’aurais fait le voyage exprès pour les lire si elles n’avaient pas été en ligne.

En mettant en ligne ma thèse, j’espère ainsi faire connaître le résultat de mes recherches et faciliter le travail des autres chercheurs et doctorants.

Combler le retard français ?

D’autre part, il faut avouer que les thèses francophones en sciences humaines, et ayant pour objet l’étude de la Chine (ne parlons pas de la province de Hainan qui était l’objet de ma thèse), en accès libre sur internet restent encore trop peu nombreuses.

La mise en ligne des thèses ainsi que des dissertations de master, devient petit à petit la règle dans de nombreuses universités notamment anglo-saxonnes. Aux Etats-Unis, jusqu’à très récemment de nombreuses universités rendaient obligatoire la mise en ligne de leur thèses sur la plate-forme ProQuest, mais leur accès pouvait être payant. De plus en plus, des universités américaines développent leur propre base de thèses en ligne, en accès libre, comme l’Université de Virginie Occidentale ou l’Université de Californie. En Europe, on peut aussi citer le cas de la London School Economics et de son portail où l’on trouve plusieurs thèses sur la Chine. C’est aussi le cas de l’Université de Hong Kong, qui a aussi choisi de s’atteler à la numérisation des thèses soutenues par ses étudiants avant l’ère d’internet. J’ai ainsi pu consulter des thèses très intéressantes datant des années 1980 et 1990 (les thèses soutenues par les étudiants de l’université de Hong Kong).

Ne pas mettre notre thèse en ligne nous coupe ainsi de l’immense majorité de la communauté scientifique internationale … et donc rend nos recherches un peu vaines. Ce point est d’ailleurs évoqué par Danny Kingsley de l’Australian Open Access Support Group. Voir Danny Kingsley, "So you want people to read your thesis?", Australian Open Access Support Group, 10 avril 2013, consulté le 10 février 2015.

Dans un monde où la mise en ligne est la règle, son absence peut susciter l’incompréhension, voire le doute sur la qualité de notre travail par des chercheurs étrangers.

Ne pas mettre sa thèse en ligne, c’est aussi ne pas mettre en avant le centre de recherche auquel on a été attaché pendant plusieurs années ; ce qui réduit sa renommée, et finalement dessert notre travail.

La thèse en ligne, une mise en appétit ?

La thèse ne doit pas être considérée comme un aboutissement en soit, mais comme le début d’une longue production scientifique (tout du moins je l’espère). Dans ce cas, il semble normal de mettre à disposition du plus grand nombre nos premiers travaux, afin justement d’encourager nos pairs à nous suivre, et pourquoi pas à consulter les ouvrages que l’on écrira par la suite.

Une suite logique à ma thèse

Enfin, je ne pouvais que déposer ma thèse en accès libre en raison des résultats de mes recherches. Dans ma thèse sur le développement des régions périphériques chinoises, je montre que l’accès à l’éducation est l’une des conditions principales au développement régional au même titre que l’amélioration des transports… Et donc, pour ne pas être en contradiction avec moi-même, je ne pouvais que mettre ma thèse en ligne.

Ma thèse peut donc être consultée en accès libre sur TEL, la plate-forme de dépôt en accès libre des thèses, dans les collections du CNRS, de l’ EHESS, des thèses soutenues à l’ EHESS, ainsi que dans celles de mon UMR (UMR 8173) et de mon centre de recherche de rattachement ( CECMC ).

Sébastien Goulard, Les politiques de développement régional d’une zone périphérique chinoise, le cas de la province de Hainan, Thèse en socio-économie du développement, 2014, EHESS, CECMC, Paris.