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La Lettre n° 75 | Échos de la recherche
Épistémologie du droit, idéologies juridiques et transformation du droit
par Otto Pfersmann

Épistémologie du droit, idéologies juridiques et transformation du droit

Otto Pfersmann a été élu directeur d'études à l'EHESS par l’assemblée des enseignants en juin 2014.

Après des études de droit et de philosophie à Vienne et quelques années d’enseignement comme chargé de cours, j’ai rejoins le CNRS au début des années quatre-vingt-dix comme chargé de recherche, puis l’Université comme professeur en 1994, d’abord à Jean Moulin Lyon III, puis, de 1998 jusqu’à mon élection à l’EHESS, à Paris 1 Panthéon-Sorbonne. J’ai connu beaucoup d’autres Universités ou institutions de recherche comme professeur ou chercheur invité ; pendant deux ans, j’ai codirigé l’Institut de droit européen et comparé d’Oxford.

Mes recherches ont porté sur le rationalisme classique, les rapports entre le Cercle de Vienne et l’Ecole de Vienne de la Théorie du droit, la théorie de la démocratie, la théorie des droits fondamentaux et de la justice constitutionnelle, les rapports entre droit et morale, l’ontologie des normes et la structure des systèmes juridiques ainsi que les rapports entre eux, la théorie de l’interprétation et de l’argumentation juridique. Un grand nombre de travaux concernent des questions de droit constitutionnel comparé, en particulier en matière de révision constitutionnelle et de droits fondamentaux.

Le projet que je compte développer à l’Ecole s’intitule « Epistémologie du droit, idéologies juridiques et la grande transformation du droit ». Il porte plus particulièrement sur le rapport entre l’ontologie et l’épistémologie des systèmes normatifs juridiques. La théorie du droit s’est largement concentrée sur le volet ontologique en s’interrogeant sur les fondements des systèmes juridiques – ou des systèmes moraux – ainsi que sur l’émergence et la solution de conflits entre normes. Ces questions sont loin d’avoir connues des réponses satisfaisantes. Mis à part les différences, parfois radicales, en termes de méthodologie, la ramification croissante des rapports de systèmes fait continuellement naître de nouvelles interrogations.

Mais même si toutes ces questions devaient être parfaitement résolues, il ne s’ensuivrait nullement que l’on ait de ces situations une connaissance appropriée. Sauf à se satisfaire d’un relativisme où toutes les explications se valent ou d’un scepticisme où aucune ne serait pertinente ou enfin de l’illusion que le langage des dispositions normatives serait transparent ou décodable pour une herméneutique juridique traditionnelle, l’articulation entre une théorie des structures et une théorie de l’expression linguistique des données juridiques demeure encore largement inexplorée.

Deux problèmes illustrent cette perspective générale. D’une part, le relativisme moyen de la doctrine l’a largement empêchée de se prémunir contre des présentations fausses de son objet auxquelles il lui arrive assez fréquemment de contribuer stratégiquement. Or de telles propositions fausses font l’objet d’une large réception – par la doctrine elle-même, les professions juridiques et l’enseignement du droit – pouvant avoir à son tour une incidence sur la substance du système. D’un autre côté, le tournant jurisprudentialiste de la doctrine la conduit à considérer des motivations comme s’il s’agissait de données proprement normatives. Il s’agit confusion dont résulte une transformation de grande ampleur des systèmes juridiques contemporains.