Navigation – Plan du site
La Lettre n° 75 | Échos de la recherche
Histoire et historicité de la langue arabe et de l'islam (Maghreb, VIIe-XVe siècle)
par Michel Grossetti

Émergence et dynamique des réseaux sociaux

Michel Grossetti a été élu directeur d'études cumulant à l'EHESS par l’assemblée des enseignants en juin 2014.

Mes recherches s’organisent autour de trois lignes principales :

  1. l’étude des parcours de vie, des réseaux sociaux et plus généralement des dynamiques sociales ;
  2. des travaux sur la dimension spatiale des activités d’innovation ;
  3. des études historiques et géographiques des systèmes scientifiques dans leur organisation à la fois institutionnelle et spatiale. J’ai également effectué plus ponctuellement des recherches sur la méthodologie des sciences sociales, les politiques publiques locales ou les usages de la communication électronique.

Dans le cadre de l’EHESS, je souhaite développer, à partir de recherches empiriques sur les réseaux personnels et les créations d’entreprises, des outils théoriques et méthodologiques permettant d’appréhender de façon renouvelée les relations interpersonnelles, les réseaux et les collectifs (organisés ou non), autrement dit les formes intermédiaires du monde social. En effet, si l’on déploie les phénomènes étudiés classiquement par les sciences humaines et sociales sur deux dimensions correspondant respectivement au nombre d’individus pris en compte et à la durée des processus concernés, les réseaux et les collectifs sont les formes sociales qui sont au plus près des personnes et de l’activité sociale ordinaire. Elles représentent les structures sociales « à portée de main », mais aussi telles qu’elles se présentent dans les moments d’émergence, avant éventuellement de gagner en importance numérique et de se stabiliser dans une certaine durée.

Ce projet est construit à partir des acquis d’une tradition de recherche appelée « analyse des réseaux sociaux », qui consiste à reconstruire des structures sociales à partir de relations entre des personnes ou des groupes. Ce projet s’écarte toutefois de cette tradition par le refus de réduire les formes de structuration du monde social aux seuls réseaux. Il faut prendre en compte les constituants élémentaires des ceux-ci que sont les relations elles-mêmes, trop rarement conceptualisées. Elles constituent une forme sociale spécifique, intersection entre les réseaux et l’autre grand type de forme, que j’appelle collectif, ce terme désignant des ensembles d’acteurs définis par le partage de certaines ressources, éventuellement par une désignation collective et des règles d’appartenance. Je m’intéresse tout particulièrement à l’interaction entre les deux formes collectives canoniques, les réseaux et les collectifs.

Je suis engagé dans une série d’enquêtes sur les relations interpersonnelles et les réseaux qu’elles constituent en me centrant sur des périodes de transition biographique, notamment l’entrée dans la vie active et le passage à la retraite. Ces enquêtes permettront de comprendre les processus qui produisent les inégalités relationnelles. L’objectif est également de mieux saisir la dynamique des relations et des réseaux dans un contexte d’« équipement » communicationnel toujours plus sophistiqué des interactions et des relations.

Le second terrain qui permettra de faire avancer la compréhension de la dynamique des formes sociales est une étude longitudinale des processus de création d’entreprises. J’ai commencé cette recherche en 2005 et je la poursuis avec la collaboration de deux collègues toulousains, Jean-François Barthe et Nathalie Chauvac. Nous étudions les processus de mobilisation et de constitution des ressources dans la création d’entreprises et les processus d’autonomisation des entreprises par rapport aux réseaux sur lesquels leurs fondateurs s’appuient initialement. Après avoir analysé différents aspects de ces histoires de créations d’entreprises, nous sommes engagés dans un travail de synthèse des résultats.

L’enseignement associé à ce projet de recherche comporte deux séminaires, le premier à Toulouse, le second à Paris. Le premier séminaire, « l’espace des sciences sociales », que je co-anime avec divers collègues toulousains, existe depuis sept ans. Il a pour objet de confronter les expériences des chercheurs des différentes disciplines de sciences sociales (sociologie, histoire, géographie, anthropologie, économie, science politique) sur des problèmes de recherche, des questions théoriques ou des méthodes. Le second séminaire, « dynamique des réseaux et des collectifs », est centré sur les développements théoriques et méthodologiques issus du projet de recherche présenté plus haut. Il comprendra des séances de travail sur des auteurs et des séances de séminaire avec des présentations de travaux actuels par des chercheurs. Ce séminaire à vocation théorique est complémentaire au séminaire « Approches des réseaux sociaux », plus méthodologique, dont j’intègre cette année l’équipe d’animation.