Navigation – Plan du site
La Lettre n° 70 | Échos de la recherche
Bilan de l'ERC SINOTYPE

Bilan de l'ERC SINOTYPE

Typologie syntaxique hybride des langues sinitiques

Pendant quatre ans et demi, le projet SINOTYPE a mené une enquête à grande échelle sur la typologie syntaxique des langues sinitiques (chinoises), langues qui sont aussi divergentes entre elles que les diverses langues romanes, voire même indo-européennes. L’équipe du projet SINOTYPE était composée de sept personnes : Hilary Chappell, directrice du projet et directrice d’études à l’EHESS, rattachée au Centre de recherches linguistiques sur l’Asie orientale (CRLAO), assistée de cinq post-doctorants et d’une doctorante.

L’objectif essentiel du projet était d’examiner les principales constructions syntaxiques de plusieurs langues chinoises du sud et du centre de la Chine, afin d’identifier les raisons qui peuvent expliquer cette typologie apparemment hybride qui caractérise la plupart des langues sinitiques, qui révèlent en fait un mélange de propriétés non-prévisibles selon le type structurel de ces langues, concernant notamment l’ordre des mots de base et ses corrélations, auxquelles sont associées presque tous les aspects de la grammaire.

La mise en œuvre de ce projet a consisté d’abord à sélectionner sept langues sinitiques peu ou pas du tout étudiées, hors du mandarin standard, (langue officielle de la Chine) pour en rédiger des grammaires de référence concises et complètes, sur la base de données originales recueillies lors de missions de terrain. L’horizon du projet a ensuite été délibérément élargi à d’autres langues représentatives des autres sous-groupes des langues sinitiques, afin de mieux saisir l’importance des principaux paramètres typologiques qui permettent une véritable analyse comparative. On trouvera ci-dessous la liste des sept membres de l’équipe ainsi que les titres des ouvrages qu’ils vont publier :

  • Hilary Chappell : A grammar of Xianghua, a Sinitic language of Northwestern Hunan (Xiangxi, Hunan)

Post-doctorants

  • Wang Jian : A grammar of the Shangzhuang Hui dialect of Jixi (Anhui, Chine)
  • Hilário de Sousa : A grammar of the Nanning dialect of Southern Pinghua (Guangxi, Chine)
  • Yujie Chen : A grammar of the Shangshui dialect of Central Plains Mandarin (Henan, Chine)
  • Xuping Li : A grammar of the Yichun dialect of Gan (Jiangxi, Chine)
  • Weirong Chen : A grammar of the Hui’an dialect of Southern Min (Fujian du sud, Chine)

Doctorante

  • Sing Sing Ngai : A grammar of the Shaowu dialect of Western Min (Fujian de l’ouest, Chine)

Les résultats du projet sont d’ores et déjà conséquents. Les variations entre les langues sinitiques se sont avérées beaucoup plus subtiles et décisives que celles qui concernent seulement l’ordre des constituants et les corrélations grammaticales qui en découlent. Il a été ainsi trouvé que plusieurs de ces langues, dites isolantes ou analytiques, disposent de fait d’une véritable morphologie fusionnelle et quasi-flexionnelle, exprimée souvent en termes de changements de tons qui permettent de coder des catégories grammaticales. Il en est ainsi, par exemple, des marques d’aspect, du génitif, du pluriel pour les pronoms personnels et pour les distinctions sémantiques entre les démonstratifs, proches et lointains. Ce phénomène est finalement beaucoup plus répandu que ce qui était généralement admis. Bref, la grammaire des langues sinitiques, en dehors du mandarin standard, manifeste des divergences beaucoup plus importantes que ce que l’on supposait, et beaucoup de ces langues ne peuvent plus être classées comme langues typiquement isolantes.

Ces résultats découlent d’une trentaine de missions linguistiques de terrain, chacune d’entre elles ayant duré plusieurs mois. Elles ont été effectuées in situ en Chine par les sept membres de l’équipe SINOTYPE pour les langues ciblées, afin de recueillir plusieurs dizaines d’heures d’enregistrements de locuteurs natifs de chaque langue, qui ont permis ensuite une analyse détaillée de données originales. Cette démarche a été à la base du projet, qui a privilégié, dès le début, une approche empirique comme fondement incontournable de sa recherche.

Deux contrats de publication ont été signés lors de la dernière année du projet, en 2013, avec des maisons d’édition internationales: De Gruyter Mouton, Berlin/Boston et Oxford University Press, Oxford.Les sept grammaires de référence sur les langues sinitiques seront publiées dans une nouvelle collection, dirigée par Hilary Chappell et créée par De Gruyter Mouton, intitulée Studies in the Grammar and Typology of the Sinitic Languages of China. Il s’agit là, bien sûr, des résultats majeurs issus du projet. Cette collection portera les deux logos de l’EHESS et de l’ERC.

En outre, un manuscrit de 280 pages, déjà finalisé, a été accepté par Oxford University Press en août 2013. Il s’agit d’un volume intitulé Diversity in Sinitic languages, sous la direction de Hilary Chappell, qui regroupe neuf chapitres, rédigés par tous les membres de l’équipe SINOTYPE, qui portent plus particulièrement sur les problèmes d’ordre théorique qu’ils ont rencontrés tout au long de leur recherche. Cet ouvrage est le résultat d’un colloque conjoint organisé en mai 2011 au Collegium de Lyon entre tous les membres de l’équipe, le laboratoire Dynamique du Langage à l’Université Lumière – Lyon 2, et le professeur Salikoko Mufwene de l’Université de Chicago.

Au cours des quatre ans et demi du projet, enfin, on peut recenser quarante et une publications directement associées à SINOTYPE, dont seize articles dans des revues internationales avec comité de lecture, vingt et un chapitres dans des ouvrages, et quatre articles dans des actes de congrès. Quatre-vingts communications ont été aussi présentées dans des colloques internationaux, qui concernent toutes les résultats de la recherche du projet SINOTYPE, y compris sept conférences plénières et treize conférences invitées.

Que sont devenus, enfin, les membres de l’équipe SINOTYPE lorsque cette dernière a été dissoute à la fin du projet de l’ERC ? Quatre post-doctorants sont rentrés en Chine, où ils ont tous trouvé des postes de maîtres de conférences ou de professeurs dans les meilleures universités chinoises. Un cinquième post-doctorant a été recruté aux Pays-Bas. Seule la doctorante française est restée en France où elle est en train actuellement d’achever sa thèse de doctorat à l’EHESS.

  • Yujie Chen : Associate Professor in the Department of Chinese at Zhejiang University, Hangzhou, Zhejiang province, China
  • XuPing Li : Associate Professor in the Department of Chinese and Research Fellow at the Center for the Study of Language and Cognition, Zhejiang University, Hangzhou, Zhejiang province, China
  • Wang Jian : Full Professor, Department of Chinese, Faculty of Humanities, Jiaotong University, Shanghai, China
  • Weirong Chen : Lecturer, School of Chinese Language and Literature, University of International Business and Economics, Beijing, China.
  • Hilario de Sousa : Postdoctoral Researcher in Olfactory Language and Cognition, Department of Communication & Information Studies, Radboud University, The Netherlands

L’équipe, aujourd’hui dispersée, est restée néanmoins soudée. Elle a déjà établi un réseau sur Internet pour continuer à discuter et à travailler sur la diversité des langues sinitiques. Certains membres, au demeurant, notamment ceux qui sont rentrés en Chine, préparent ensemble de nouveaux projets conjoints, à la suite de colloques pionniers qu’ils ont organisés ou vont organiser en Chine sur la typologie des langues sinitiques.