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La Lettre n° 68 | Échos de la recherche
par Blandine Bril

Le geste technique et son apprentissage (ANR GESTEC)

GESTEC (Le geste technique et son apprentissage) porte sur l’articulation entre apprentissage et transmission dans les domaines des habiletés gestuelles, savoir-faire techniques quotidiens, artistiques, sportifs et artisanaux. La question centrale peut se décliner en ces termes : En quoi consiste pour l'apprenant le processus d'acquisition, et corrélativement quelles sont les conditions offertes par le milieu pour que cet apprentissage ait lieu ?

À partir d’une approche à la fois pluridisciplinaire et comparative, l’ambition de ce projet est de montrer les parentés des processus d’apprentissage et de transmission des techniques que nous comparerons au-delà de la diversité de leurs formes et des contextes culturels dans lesquels ils se déroulent.

L’originalité thématique de ce projet est triple : (1) proposer une étude des processus d’apprentissage en parallèle avec les pratiques de transmission mises en œuvre qui rendent possible et assistent ce processus ; (2) travailler sur des « techniques gestuelles » relevant de domaines différents rarement mis en parallèle et souvent opposés car à priori relevant de systèmes d’éducation qualifiée de formelle ou informelle (scolaire, artistique, sportif et domestique) ; (3) aborder chacun de ces couplages apprentissage/transmission dans deux contextes culturels afin d’en exprimer les mécanismes universels sous-jacents à la diversité des formes culturelles non seulement dans les processus d’apprentissage et de transmission, mais aussi dans leur articulation.

En outre l’originalité méthodologique du projet consiste en la mise en place d’expérimentations de terrain, telles que les ont développées depuis plusieurs années les différents membres impliqués dans le projet. Compromis entre l’expérimentation en laboratoire et l’observation des situations quotidiennes, l’expérimentation de terrain est basée sur la construction de situations expérimentales à partir des tâches et lieux familiers aux acteurs.

Un tel projet nécessite donc d’emblée une approche pluridisciplinaire qui seule permet d’articuler les différentes dimensions des phénomènes étudiés. Le projet décrit ici regroupe des chercheurs d'origine disciplinaire relevant de différentes orientations, psychologie, anthropologie, sciences de l’éducation, biomécanique/physiologie du mouvement, auxquelles nous ajouterons la modélisation mathématique. L’expérience montre qu’un verrou scientifique et technique à lever est celui de la pluridisciplinarité alors même que celle-ci est souvent revendiquée. Aborder un même objet non seulement sous différents angles, mais à différents niveaux de profondeur n’est pas un exercice aisé, et nécessite un langage commun et des méthodes compatibles qu’il n’est pas toujours facile à mettre en œuvre. Considérons comme exemple le geste technique dans sa composante culturelle. On constate que la littérature anthropologique s’intéresse aux variations culturelles selon une problématique qui ne s’est pas vraiment renouvelée depuis les écrits de M. Mauss, de G. Haudricourt ou de A. Leroi-Gourhan, et que par ailleurs les sciences du mouvement, physiologie, neurosciences, à quelques rares exceptions près ignorent la culture et les activités gestuelles situées.

Ce rapport entre diversité des contenus et des contextes et universalité des mécanismes d’apprentissage illustré ici par différents gestes techniques (écriture, figures dansées, techniques culinaires manuelles, sport de combat) doit contribuer plus généralement à une meilleure compréhension de l’apprentissage d’habiletés cognitivo-motrices et de la manière dont s’articulent processus d’apprentissage et formes de transmission.