La Moldo-Valaquie est le seul pays de l’Europe chrétienne où se rencontre encore l’esclavage », écrivait Élias Regnault en 1855 à propos de l’esclavage des Roms,dans un livre que Karl Marx citera souvent dans ses ouvrages. Le thème de cette conférence est ce que nous pouvons appeler « l’entrée pathétique des Tsiganes dans les récits sur l’émancipation en Europe ». Deux auteurs seront pris en considération : l’un, Karl Marx précisément, l’autre, Dora d’Istria, contemporaine de Marx, l’une des initiatrices des discours sur l’émancipation des femmes, aujourd’hui peu connue mais qui jouissait à l’époque d’une renommée mondiale. Considérant leurs idées et leurs réseaux de fréquentation respectifs, ces deux personnes ne se sont peut-être jamais connues, mais leurs horizons imaginatifs se superposaient partiellement à travers des lectures partagées, et surtout à travers des censures partagées : le connaissant pourtant bien, directement (Dora d’Istria) ou indirectement (Marx), aucun des deux ne parla jamais, dans ses publications, de l’esclavage des Roms dans les Principautés de Valachie et de Moldavie. Dans leurs récits en vue de la révolution des exploités et de l’émancipation des femmes, les Roms esclaves des deux sexes font leur entrée à travers ce silence pathétique. Cette conférence essayera de montrer la manière dont fut construite cette censure.

Intervenant : Leonardo Piasere, EHESS.