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La Lettre n° 65 | Échos de la recherche
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Pluralité religieuse et laïcité dans l’histoire française, XVIIIe-XXe siècles

par Rita Hermon-Belot, élue directrice d’études par l’assemblée en juin 2013

Cette direction d’études veut éclairer la relation entre laïcité et pluralité religieuse en restituant à cette laïcité le substrat qu’a constitué l’œuvre d’aménagement de l’héritage de la Révolution française poursuivie tout au long des XIXe et XXe siècles.

La question de la pluralité religieuse n’est pas la simple addition du sort fait aux différentes traditions confessionnelles et particulièrement à celles qui sont minoritaires. Elle constitue en elle-même une question à part entière enracinée dans l’histoire, constatation très familière dans beaucoup de contextes nationaux mais pas suffisamment en France. Si la première expérience de la liberté des cultes s’y est faite dans le contexte singulier de la Révolution, moment inaugural et matriciel qui a ancré la question dans le registre des droits individuels et composé un premier répertoire de la pluralité, c’est durant un long XIXe siècle que la pluralité religieuse s’est véritablement acclimatée dans ce pays. Mais ceci dans le cadre très spécifique généralement désigné comme le « système » des cultes reconnus. Prendre cette catégorie de la reconnaissance au sérieux permet d’éclairer un rapport très spécifique que l’État instaure en France avec ce qu’il appelle les « cultes », selon qu’il les reconnaît ou pas, composant un modèle de référence de ce qu’est ou de ce que doit être une religion dans le cadre français. Mais reste aussi à comprendre à quelles conditions un régime des cultes dont la conception s’est inscrite dans un registre aussi politique a pu devenir un véritable cadre de vie. Et comment les cultes, leurs porte-parole et fidèles ont reçu ce concept de reconnaissance et dans quelle mesure certains d’entre eux ont participé à le façonner. Alors que si la loi de 1905 prononce la séparation des Églises et de l’État dans des termes, – « la République ne reconnaît aucun culte » –, rompant très explicitement avec ce système, un regard historique sur la pluralité permet néanmoins de faire apparaître la survivance d’héritages qui peuvent être d’autant plus actifs qu’ils ne sont guère identifiés.

La pluralité religieuse a aussi tenu sa place dans la genèse puis dans la pratique de la laïcité. La confrontation avec le cas américain montre combien l’idée d’universalité a pu en France se construire en réaction à une pluralité qui a été si longtemps contrariée. Mais dans l’élaboration à la fois de l’idée laïque et des modalités selon lesquelles elle s’est réalisée et stabilisée dans le texte de la loi, il faut considérer les effets de la présence et de la participation active de « minorités » religieuses, de ce fait que la France n’a pas été un pays exclusivement catholique. Si, dans le contexte français, c’est à la laïcité qu’il est revenu de donner sa pleine réalisation au programme pluraliste, la pluralité est devenue pour elle un défi aussi incontournable qu’inattendu. Aux transformations du champ désigné comme « espace public », on ajoutera la transformation de la pluralité elle-même, des besoins qu’elle comporte ou des exigences exprimées en son nom, ainsi que la suite continue des choix destinés à y répondre.