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La Lettre n° 65 | Dans les centres et les services | Disparition
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par Nathalie Viet-Depaule

Véronique Garros

Venue de l’autre côté de la Méditerranée, Véronique Garros avait choisi d’entrer dans une autre culture, celle de l’URSS dont elle avait appris la langue au point de pénétrer et de traduire le sens de témoignages condamnés à l’oubli. Elle avait vécu plusieurs années à Moscou, alimentant la revue L’Alternative. Pour les droits et les libertés démocratiques en Europe de l’Est, secondant Bernard Guetta au Monde, puis interpellant la littérature comme un enjeu de mémoire. Revenue en France, proche de Marc Ferro, elle avait intégré le CNRS et s’était particulièrement attachée à faire la sociologie de la Grande Terreur dans l’URSS des années trente. Elle puisait dans les journaux dits « intimes » la matière qu’elle analysait, subodorant que ces gisements d’écriture livraient les conditions de vie de ceux qui les consignaient. Elle cherchait à faire advenir en connaissance ces témoignages – dont la forme littéraire était autant à interroger que leur contenu – se défiant des pièges interprétatifs face aux situations extrêmes.

Elle faisait de la littérature, quelle qu’elle soit, russe ou non, un élément réflexif qui jouait une place importante dans son parcours intellectuel. Elle l’avait d’ailleurs choisie, lorsqu’elle animait le séminaire du CEMS comme manière d’interroger les objets de recherche des intervenants invités.

Véronique nous a quittés dans le silence, mais tous ceux qui l’avaient croisée se souviennent de son sourire, de sa générosité, de sa disponibilité et de son attention à la vie ordinaire des oubliés de l’histoire auxquels elle a consacré temps et passion.