Navigation – Plan du site
La Lettre n° 64 | Échos de la recherche
Cécile Boëx, élue maître de conférences par l’assemblée en juin 2013

Images en mouvement et expressions politiques à l'ère numérique. Captations et mises en récit des révoltes dans le monde arabe

par Cécile Boëx, élue maîtresse de conférences par l’assemblée en juin 2013

Ce projet s’inscrit dans le prolongement de ma recherche doctorale consacrée aux rapports entre le cinéma, le politique et l’expression contestataire en contexte autoritaire, observés à partir du terrain de la production cinématographique en Syrie. La déferlante de vidéos produites dans le sillage des révoltes arabes a engendré un territoire visuel encore largement en friche, que j’entends explorer du point de vue des nouvelles écritures et des nouveaux récits audiovisuels qui émergent de ces contextes de bouleversements politiques. Produites de manière autonome par des manifestants et des activistes, ces images déploient de nouvelles formes d’expression à partir de technologies globalisées. Matrices de symboles et de modes d’énonciation inédits, elles esquissent les contours de nouveaux imaginaires politiques et protestataires, porteurs de croyances, de valeurs et de grands récits, qui irriguent la création artistique, dans les mondes arabes et au-delà. Situé au croisement de l’anthropologie visuelle, de la science politique, et des études cinématographiques, ce projet est axé sur les pratiques et les techniques de mises en récit par l’image et le son, appréhendées du point de vue des enjeux politiques et subjectifs qu’elles mettent au jour.

 

Les axes de recherche développés à partir de ces images en mouvement recoupent plusieurs registres d’écritures filmiques (amateurs, professionnels, captations d’événements, mises en scène, témoignages, hommages et productions artistiques). L’objectif est de mieux saisir les nouvelles formes de narrations médiatisées par les technologies numériques, les hybridations à l’œuvre entre documentaire et fiction, ainsi que les phénomènes d’emprunts et de reconfiguration des contenus, favorisés par leurs modes de circulation sur Internet. Le premier axe concerne le rôle et l’impact des technologies de captation (caméras de téléphones portables et caméras digitales) et de diffusion audiovisuelles (YouTube) sur les révoltes d’un point de vue communicationnel et organisationnel. Il s’agira d’examiner les usages de ces technologies par différents types d’acteurs (civils ou combattants) pour médiatiser leurs actions et prises de parole. Le deuxième axe porte sur les multiples formes d’imbrications entre le politique et le religieux à partir d’un questionnement sur les mises en récit de l’engagement, du témoignage et du martyre. L’objectif est d’explorer les dispositifs de conviction, inscrits dans le déploiement de lexiques pluriels des corps, des gestes et de la parole. Le troisième axe propose une réflexion sur les modalités de circulation et de réception des vidéos réalisées par les manifestants et les activistes au prisme de la culture du « remixage », propre à la production audiovisuelle sur Internet. J’explorerai plus particulièrement les usages mémoriels, militants et artistiques qui émergent de cette culture, en orientant ma réflexion sur le rôle du montage et de la re-contextualisation des images.

 

Plus largement, il s’agit d’élaborer les outils conceptuels et méthodologiques de la fabrique, de la circulation et de la réception de ce nouveau type d’images en mouvement afin de les envisager comme des sources de savoirs anthropologique, politique et historique. Enfin, les analyses, conçues dans une perspective comparative, ont vocation à être confrontées à d’autres terrains où acteurs protestataires et artistes se trouvent engagés dans des actions croisant les frontières du politique, de la technologie numérique et de l’art.