Cette rencontre de travail sera consacrée aux formes de production de savoir historique dans le moment même de la « catastrophe » - « Hurbn » en yiddish, l’extermination des Juifs dans l’Europe occupée par les nazis. La raison d’être de cet atelier est la conjonction de la venue à l’Ecole de Samuel Kassow, auteur d’une étude récente sur Emmanuel Ringelblum et l’organisation de production et de la collecte de documents par l’organisation Oneg Shabbes dans le ghetto de Varsovie (Qui écrira notre histoire, traduction française, Flammarion, 2012) ; du programme ANR accueilli au CRH et animé par Judith Lindenberg consacré à une vaste collection de livres en yiddish publiée à Buenos Aires entre 1946 et 1966 sur la « judéité polonaise » et comprenant tout à la fois des « témoignages », des écrits littéraires, des travaux d’historien d’avant guerre et des documents issus du travail des commissions historiques crées à la fin de la guerre ; d’un travail au sein du GRIHL sur Michel Borwicz, l’auteur de la première étude sur les écrits des condamnés à mort sous l’occupation nazie - qui fut d’abord une thèse soutenue à la Sorbonne en 1953. Borwicz avait emprisonné au camp de travail et d’extermination de Janowska, à Lvov, avant de s’évader, à l’automne 1943 et d’entrer dans la résistance intérieure polonaise, dont il commanda un district ; poète et critique littéraire avant guerre, il a collecté des écrits pendant toute la guerre et a dirigé la commission historique juive de Cracovie en 1945 et 1946. C’est avec ce matériau qu’il est devenu, en France, le premier historien de ces écrits des camps et des ghettos.

Cet atelier participe du regain d’intérêt pour la collecte et l’historiographie au cœur même des années 1940, avant le temps du souvenir et des politiques mémorielles, à l’orée des grands procès de l’après guerre qui donnèrent au témoignage sa première dimension – judiciaire. On a souhaité ici inscrire ces travaux dans un ensemble plus vaste, en entrant en discussion avec les collègues français, polonais et allemands qui travaillent ces questions, dont Audrey Kichelewski, Piotr Weiser, directeur de l’Institut historique juif de Varsovie (le ZIH, dépositaire des archives Ringelblum), Agnieska Zolkiewska (ZIH) et Martyna Rusiniak-Karwat  (Académie des sciences polonaises), spécialiste du Bund, Pawel Rodak, spécialiste des écrits personnels dans la Pologne des années 1940-1950, Katryn Stoll, qui travaille sur Szymon Datner, autre historien-témoin-écrivain des ghettos, resté en Pologne après guerre et enfin Klaus Kempter (Heidelberg), qui vient de publier un important travail sur Josef Wulf, autre membre de la commission de Cracovie, émigré en Allemagne après-guerre et fondateur du mémorial de Wannsee. Catherine Gousseff-Klein (CERCEC), Dinah Ribard (CRH-GRIHL), et Annette Wieviorka participeront aux travaux de cet atelier, où sont conviés tous ceux qui à l’Ecole et au delà, travaillent sur ces questions articulant histoire, mémoire, littérature et témoignage.

Les travaux auront lieu en anglais et en français.