Parmi les écrivains français de la première moitié du XX^e siècle, il en est peu sur qui la lourde chape de l’oubli se soit abattue aussi pesamment que sur Julien Benda (1867-1956). Il se définissait lui-même parmi ses contemporains – il est de la même génération que Maurras, Barrès, Péguy, Proust, Valéry et Gide – comme le plus illustre des auteurs obscurs. S’il figure encore dans l’histoire littéraire, c’est pour incarner ce personnage ridicule, « l’intellectuel républicain » qui signe des manifestes au nom de la Vérité et de la Justice, et pour être l’auteur d’un livre, La trahison des clercs, dont tout le monde connaît le titre mais que personne n’a lu. Toutes les générations lui ont chanté « T’es plus dans le coup, papa ! » et il s’en est réjoui, au nom de l’éternel. Pourtant toutes ses questions sont encore les nôtres, qu'il s'agisse de la responsabilité des intellectuels vis à vis des valeurs intellectuelles ( c'est déjà bien assez ), de la nature de la connaissance littéraire, ou du rôle de l'idéal en politique. L’œuvre de Benda mettra encore du temps à prendre la place qui lui est due,mais pourquoi ne pas commencer dès maintenant ?

Intervenants : Antoine Compagnon, Collège de France ; Pascal Engel, EHESS ; Louis Pinto, CNRS.