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La Lettre n° 62 | Échos de la recherche
Du « bon gouvernement des peuples »
Crédits : Aline dell'Orto Carvalho
par Jean-Frédéric Schaub

Du « bon gouvernement des peuples »

Les 4 et 5 avril, le Laboratoire Mondes Américains et le Centre de recherches sur le Brésil colonial et contemporain  ont organisé à Lisbonne un colloque international intitulé : Le « bon gouvernement des peuples » : une recherche collaborative et son contexte historiographique. Cette rencontre s’est tenue grâce à l’appui de la Casa de Velázquez (École des hautes études hispaniques), du Centro de história de além-mar de l’Université Nouvelle de Lisbonne et du programme de coopération franco-brésilien Capes-Cofecub. Le colloque a permis d’articuler un projet de recherche, celui que l’École porte avec l’Université fédérale de Rio de Janeiro, sous le titre Le « bon gouvernement des peuples », dans le cadre de la coopération financée par le programme Capes-Cofecub, avec l’un des axes de l’École des hautes études hispaniques sur la circulation des cultures juridiques dans l’Atlantique ibérique.

Les chercheurs rassemblés à Lisbonne, ont confronté les résultats de leurs travaux en cours sur les sociétés ibériques de l’espace atlantique du 16e siècle à nos jours. La formation et le développement de sociétés coloniales en Amérique et en Afrique sont autant de territoires de l’enquête qui permettent de tester un certain nombre de propositions sur les relations que les personnes et les groupes entretiennent avec les ordres normatifs, dans un large éventail de configurations politiques. Par delà la diversité des terrains de recherches explorés, l’ensemble des chercheurs avait ainsi en partage une même conception des relations entre processus sociaux et ordre normatif. L’idée que l’antinomie des normes et des pratiques ne peut offrir un cadre d’analyse pertinent des sociétés du passé demeure leur cadre commun. En effet, comme d’autres chercheurs, ils refusent de caractériser les règles officielles et les comportements des acteurs comme les deux branches d’une alternative. Attentifs à la matérialité des documents dont se nourrissent leurs enquêtes, ils saisissent toute archive comme un produit institutionnel dont le dispositif est commandé par des normes. Ils enregistrent la vigueur des relations que les acteurs profanes entretenaient avec les normes savantes, tout comme leur capacité d’action dans le cadre que leur imposaient les institutions judiciaires et administratives (urbaines, seigneuriales, épiscopales, royales, impériales). En prenant au sérieux l’héritage des architectures normatives, ils croisent des temporalités de nature différente : le temps des événements politiques ou des conjonctures économiques et celui de la longue durée des cultures juridiques et des régulations coutumières.

Les organisateurs du colloque poursuivaient deux objectifs : d’une part, faire le point sur les progrès des travaux concernant le contrôle politique exercé sur les sociétés coloniales de l’Amérique et de l’Afrique portugaises sous l’Ancien Régime et les modalités de négociation établies entre celles-là et les institutions impériales de Lisbonne ; et d’autre part offrir à des doctorants brésiliens, portugais et français l’occasion de soumettre l’état d’avancement de leur recherche et de confronter leurs approches.

Sur le premier point, quatre présentations on été discutées :

João Fragoso (Universidade Federal do Rio de Janeiro), « Élites locales et monarchie pluricontinentale » ; Maria Fernanda Bicalho Universidade Federal Fluminense, « Le système des conseils (conc(s)elhos) de la monarchie pluricontinentale » ; Roberto Guedes Ferreira (Universidade Federal Rural do Rio de Janeiro), « Métissage et colonisation en Afrique portugaise » ; Jean-Frédéric Schaub (EHESS), « Métissage et formation des catégories raciales ».

Sous la responsabilité d’Ana Maria Silva, doctorante à Michigan University, le colloque des doctorants a permis de discuter huit présentations :

Marcello Loureiro (Universidade Federal do Rio de Janeiro / EHESS) : « Le Conseil Ultramarin et la communication politique de la monarchie pluricontinentale » (1640-1668) ; Nuno Vila Santa (Centro de História d’Além-Mar – Université Nouvelle de Lisbonne) : « Dynamiques croisées dans la carrière de D. Luís de Ataíde (1516-1581) » ; Daniel Pimenta
 (EHESS) : « Le conflit politique portugais dans l’Europe du XVIIe siècle » ; Vinícius Dantas (Centro de História d’Além-Mar – Université Nouvelle de Lisbonne) : « Le favori au Portugal sous les Bragance » ; Géraldine Méret
 (EHESS / Université de Genève) : « La langue des indigènes dans l’écriture française du Maragnan : Stratégies discursives de légitimation de la colonisation dans un texte littéraire du début du XVIIe siècle » ; Pedro Nobre (Centro de História d’Além-Mar – Université Nouvelle de Lisbonne) : « Portugais et Anglais à Bombay (1661-1740) » ; Simone Faria (Universidade Federal Fluminense) : «  Dynamique de prélèvement du quinto real et nomination, activité et charge des « hommes de l'or » (1701-1780)» ; Marjolaine Carles
(EHESS / Universidade Federal de Minas Gerais), « La gestion des eaux à Vila Rica au 18e siècle ».

Les sessions ont été discutées par Helidacy Corrêa (Universidade Estadual do Maranhão), Jean Hébrard (EHESS / University of Michigan), Claudia Damasceno Fonseca (EHESS) ; José Damião Rodrigues (Centro de História d’Além-Mar – Universidade dos Açores) ; Ângela Barreto Xavier (Instituto de Ciências Sociais, Lisbonne).

Les conclusions du colloque ont été confiées à Fernando Bouza (Universidad Complutense de Madrid).

L’ensemble des participants a estimé que la formule présentait de nombreux avantages. L’inclusion d’un colloque de doctorants dans une rencontre de facture plus classique a permis de concentrer sur deux journées les bénéfices attendus des écoles d’été. D’une part, les doctorants ont eu l’occasion de concevoir le programme et les rythmes de la section qui leur a été réservée, et ils ont établi des contacts entre eux. D’autre part, chercheurs confirmés et débutants ont pu confronter leurs problématiques et leurs enquêtes, à partir d’expériences diversifiées au sein d’un même domaine scientifique.