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La Lettre n° 61 | Dans les centres et les services | Disparitions
Gilles Veinstein
par Nathalie Clayer

Gilles Veinstein

Gilles Veinstein nous a quittés au matin du 5 février, à l’âge de 67 ans, après avoir lutté dix-huit mois contre la maladie. Brillant élève, il fut reçu à l’École normale supérieure en 1966 et à l’agrégation d’histoire en 1970. Encouragé par Alexandre Bennigsen, il s’orienta vers l’histoire ottomane à laquelle il consacra toute sa carrière. Devenu directeur d’études à l’École des hautes études en sciences sociales en 1986, son enseignement et ses publications lui valurent d’être reconnu comme l’un des meilleurs spécialistes au monde de l’histoire ottomane. Son élection au Collège de France à la Chaire d’Histoire turque et ottomane, en 1998, était une reconnaissance de la place qu’il occupait dans le domaine. Il dirigea également une équipe de recherche du CNRS, ainsi que le Centre d’histoire du domaine turc de l’EHESS.

Gilles Veinstein laisse une œuvre considérable. Homme d’archives, il fut dans ce domaine un pionnier, traquant les documents ottomans à Istanbul, mais aussi en Bulgarie, en Grèce, à Venise et à Rome. Les sujets qu’il a abordés sont innombrables : l’histoire du Nord de la mer Noire ; la société ottomane et ses communautés, plus particulièrement les juifs ottomans ; le fonctionnement de l’État ottoman et à sa clef de voûte, le sultan, figure centrale de l’Empire et garant de la stabilité de l’univers. D’autres thèmes retenaient son attention comme l’histoire du commerce et de la fiscalité, l’organisation des métiers juridiques et religieux, les drogmans, les esclaves de la Porte, les rapports politiques et militaires de la Porte avec la France, avec les pays roumains, la Hongrie et les Habsbourg. Parmi ses multiples publications, il convient de citer le magistral Sérail ébranlé, publié en 2003 chez Fayard en collaboration avec Nicolas Vatin, un ouvrage consacré à la mort et à l’avènement des sultans qui a fait date.

Ses connaissances historiques, qui débordaient largement le champ de sa spécialité, se doublaient d’une grande culture, d’une passion pour les beaux objets et pour la bonne cuisine. Fidèle en amitié, Gilles Veinstein n’oubliait jamais l’importance des relations humaines et était attentif aux spécificités de chacun. À cet homme libre et courageux, d’une scrupuleuse honnêteté intellectuelle, ses amis et collègues doivent beaucoup.