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La Lettre n° 31 | Réflexion sur...
Francis Zimmermann
Crédits : A.-M. Zimmermann
par Francis Zimmermann
Chargé de mission

Projet de Collège post-doctoral de l'EHESS

Intervention au conseil scientifique du 23 février 2010.

Élaboré à partir des consultations menées au cours des derniers mois, d'un premier recensement et d'un réseau en voie de constitution autour de sites web dédiés, le projet qui est actuellement examiné par le conseil scientifique est de créer une structure souple rassemblant les post-doctorants présents dans l'École au cours d'une année universitaire donnée dans le cadre d'un programme différencié de séminaires et journées d'études.
Il ne s’agit en aucune façon d’embrigader les jeunes chercheurs en leur imposant des obligations vis-à-vis de l’École ni de les enfermer dans un statut spécifique. Nous souhaitons créer un réseau de communication, un séminaire de recherches collectif, un ensemble de sites web dédiés auxquels les jeunes chercheurs accepteront de participer sur la base du volontariat et dont ils sont susceptibles de tirer le bénéfice d’une visibilité accrue pour leurs recherches personnelles.
Il faut d’abord définir le périmètre de la population concernée par ce projet. Nous recensons les post-docs financés, quelles que soient la source et la durée de ce financement : de jeunes docteurs officiellement accueillis dans tel ou tel centre de recherche de l’EHESS sur la base d'un contrat leur assurant les ressources correspondantes, pour une durée variable allant de quelques mois à plusieurs années, et sur des financements de sources diverses : notre tutelle ou nos partenaires, des fondations, des mécènes, des crédits de recherche européens, des crédits attribués par l’Agence nationale de la recherche, etc. Je donnerai plus loin les raisons d'estimer la taille de cette population, toutes durées et sources de financement confondues, à environ soixante-dix post-docs en moyenne pour une année universitaire donnée. Cette population est très volatile comme nous allons voir, mais cependant pour construire un programme annuel de séminaires nous pourrons compter à tout le moins sur une vingtaine d'intervenants disponibles dans le périmètre ci-dessus défini.
Le projet de Collège post-doctoral de l'EHESS, tel que nous l’avons imaginé en interprétant librement une proposition initiale de François Weil, vise cinq objectifs :

- identifier et rendre visible la présence chaque année dans nos centres de recherche de quelque soixante-dix post-docs en moyenne qui, réciproquement, sont souvent désireux de recevoir de l’EHESS un label et une reconnaissance explicites ;
- s'affranchir des frontières qui tendent à isoler les post-docs dans un centre, une discipline, une aire culturelle restreints, pour favoriser entre eux les échanges au sein d'une structure collégiale ;
- faire valoir notre capacité d'accueil de jeunes chercheurs, déjà effective puisque nous en accueillons plusieurs dizaines chaque année, dans les négociations à venir avec notre tutelle pour obtenir des emplois frais de post-docs ;
- équilibrer le poids du Master à l’École en complétant le système LMD d’un D+ si j’ose dire et trouver notre juste place dans un système LMDD+ [Licence-Maîtrise-Doctorat-Postdocs], en plaçant explicitement D (le doctorat) au centre de notre dispositif d’enseignement et de recherche entre M et D;
- constituer un vivier de jeunes chercheurs — un réseau des anciens post-docs restant en contact avec nous — pour des invitations et des recrutements à venir.

Quels et combien sont-ils ?

Des enquêtes de terrain lointaines et une présence souvent éphémère à Paris rendent cette population volatile et compliquent son recensement. Exemple de terrains lointains et de longue durée, les quatre post-docs affectés pour trois ans (2009-2012) au Centre de recherches linguistiques sur l’Asie orientale (CRLAO), qui sont très désireux de participer à la création du Collège, seront en mission en Chine jusqu'à l'automne cette année ; ils interviendront au plus tôt à la rentrée prochaine. Un turn-over important, par ailleurs, résulte soit de contrats de post-docs inférieurs à un an, soit de leur ancrage ailleurs qu’à Paris. Exemple de présence éphémère dans nos murs, trois post-docs qui seront financés par l'ANR dans le cadre du projet Pharmasud en 2011 ne séjourneront que quelques semaines au CERMES à Paris où ils seront officiellement affectés, parce que le volet Inde de ce projet de recherche sur l’industrie pharmaceutique dans les pays du sud est matériellement ancré à l’Institut français de Pondichéry. Dans ces deux exemples comme dans des situations analogues observées dans d’autres centres de l’École, il s’agit bien de post-docs officiellement affectés à l’EHESS mais dont la présence à Paris est aléatoire, ce qui les rend difficiles à repérer puis à rencontrer.
J’effectue personnellement une enquête auprès des directeurs et gestionnaires de nos centres de recherche, sur le modèle de celles qu'avait effectuées Pierre-Antoine Fabre de 2007 à 2009. Je n'ai pas voulu utiliser la liste de diffusion « tle » (toutes les équipes) pour diffuser un questionnaire, j’ai préféré adopter une démarche plus personnelle ; je m'efforce de parler directement avec les uns et les autres et parfois de me rendre sur place, comme lorsque je suis allé rue Küss rencontrer Hilary Chappell et les jeunes chercheurs chinois en poste au CRLAO dans le cadre de l'ERC Sinotype Project. Mon enquête est loin d’être terminée mais les éléments en ma possession confirment le chiffre moyen de soixante-dix post-docs pour une année donnée auquel parvenait Pierre-Antoine Fabre de 2007 à 2009.

Inégalités entre les différents secteurs de l'École

Comme les financements dépendent souvent de l'obtention ponctuelle par telle ou telle équipe d'un gros budget permettant de recruter plusieurs post-docs à la fois, l'éventualité est assez forte d'accueillir la même année un groupe de deux, trois ou quatre post-docs dans un même centre sur une même thématique dans une même discipline, tandis que, simultanément, les secteurs de l'École qui ne se prêtent pas aux modes de financement de la recherche administrée par contrats, n'en auront aucun. C'est toute la question de la recherche administrée par contrats et de sa place dans l'École au détriment des autres modes de financement de la recherche qui est posée en filigrane dans une réflexion sur le « rassemblement » des post-docs.
Comment compenser ces inégalités en évitant que certaines disciplines soient de facto absentes du Collège post-doctoral ? Les avis de tout un chacun seront les bienvenus sur ce point. Je suggère pour ma part que l'équipe d’une douzaine de collègues qui animera le séminaire et qui fixera le programme annuel (je vais y revenir) soit très diversifiée dans ses compétences scientifiques et qu'elle veille à maintenir l'équité entre les différents secteurs de l'École par des choix volontaristes, si nécessaire, et par exemple en lançant ponctuellement des invitations à l'extérieur du périmètre stricto sensu des post-docs « effectivement financés et actuellement présents à l'École ». Nous ne devons pas être prisonniers de cette définition strictement administrative de la population concernée.

Un réseau, une équipe d'animation, un intranet dédié

Nous nous interrogeons sur le choix du mot collège pour nommer notre projet ; il peut prêter à malentendu en français, bien que personnellement je sois d’avis de conserver ce mot dans notre intitulé en pensant à l’audience internationale de l’EHESS. Il me semble en effet que l'expression « Collège post-doctoral » est un anglicisme ; c'est l'idée d'une communauté de fellows dans un collège anglais qu'elle me suggère. Il ne s'agit évidemment pas de surélever d'un étage le bâtiment administratif de nos enseignements mais de constituer une communauté de jeunes chercheurs qui resteront ultérieurement attachés à notre École par des liens de collaboration et d'amitié. Il faut donc penser ce Collège non pas comme un lieu de gestion des choses mais comme un réseau de communication entre les personnes. Les animateurs de ce réseau seront des facilitateurs, des relayeurs d'idées, et l'essentiel de leur travail sera de dialoguer avec les jeunes chercheurs dans les différents centres de recherches. Le Collège est donc un réseau de recherche scientifique, mais le mot collège me paraît bien mieux approprié que le mot réseau dans la mesure où nous souhaitons qu’il apporte à ses membres une visibilité, un label, une reconnaissance.
Quelques collègues ont déjà accepté de joindre leurs efforts aux miens : Juliette Cadiot, Marc Chemillier, Yves Chevrier, Fanny Cosandey, Pierre-Antoine Fabre, Bruno Karsenti et Olivier Remaud. La liste reste ouverte et devrait être quasiment doublée afin de constituer une équipe d'une douzaine d'animateurs. L’idée directrice est que, dans la diversité des recherches de chacune et chacun, nous couvrions un très large spectre, de façon qu'aucun jeune chercheur de quelque horizon qu'il vienne ne se sente exclu du projet. Notre diversité sera gage de fécondité.
Le respect de la diversité et du professionalisme des jeunes chercheurs que nous souhaitons rassembler, sur la base du volontariat je le répète, interdit de leur imposer toute programmation a priori. Mais alors, comment donner au Collège post-doctoral son unité et sa cohérence ?
Notre proposition est d'animer conjointement (quatre ou cinq d'entre nous participant ensemble à une séance donnée en fonction de leur proximité par rapport aux questions scientifiques abordées ce jour-là) un « séminaire post-doctoral » se réunissant deux fois par mois tout au long de l'année universitaire, dans lequel ceux qui le souhaitent et sont désireux de s’adresser à un auditoire transdisciplinaire présentent leurs recherches au public éclairé de l'École, individuellement ou en groupe lorsque le thème s'y prête (par exemple nos quatre post-docs du CRLAO interviendraient ensemble l’an prochain sur la dialectologie chinoise). Une ou deux journées d'études viendraient éventuellement ponctuer ce programme, en début et en fin d'année par exemple.
Nous avons déjà l’expérience et la maîtrise d'une logistique appropriée au fonctionnement d'un tel séminaire. Nous avons déjà conçu et mis en œuvre le modèle d’un ensemble d’outils scientifiques et pédagogiques associant un réseau, un séminaire collectif et un cluster de trois sites web dédiés. Ce sont « Les Angles de l'Asie », un séminaire collectif qui fonctionne depuis quatre ans et qui fédère avec succès celles et ceux d'entre nous à l'École qui travaillent sur l'Asie méridionale et orientale.
Sur le modèle des Angles de l'Asie, le Collège post-doctoral disposera d'un ensemble spécifique de trois sites web sur le serveur Ehess-Dynamiques assurant sa visibilité, sa pérennité et sa dimension internationale :
- un site public sur lequel seront publiés le programme et le calendrier, les arguments des séminaires et les documents à l'appui qui seront du domaine public ; ce site public, si nous le décidons ainsi, apparaîtrait au visiteur comme une section du site institutionnel de l'EHESS (même charte graphique et redirection transparente d’un serveur à l’autre) ;
- un site privé (abonnement réservé et codes d'accès personnels), pour nos archives scientifiques et notre patrimoine de documentation numérique sous copyright ;
- un intranet dédié, pour nos fichiers de membres du réseau, nos discussions internes et nos listes de diffusion.

Visibilité, pérennité et dimension internationale, telles sont les trois valeurs qui doivent à mon sens orienter ce projet. Un site web public de qualité professionnelle assurera la visibilité. Le site privé (patrimoine cumulatif d'archives) et l'intranet dédié (fichiers et listes de diffusion pérennes) assureront la pérennité du dispositif. Quant à donner au Collège une dimension internationale, cela pose la question des langues. Certains séminaires pourraient être donnés intégralement en anglais. Tous nos sites dédiés, si nous en décidions ainsi, pourraient accepter des contributions en français, anglais, espagnol, italien ou allemand ; nous aurions donc cinq langues de travail au sein du Collège. Les documents importants seraient en deux versions, français et anglais. Les éventuelles Newsletters du Collège seraient en anglais. Voilà qui nous permettrait de construire dans la durée un réseau de jeunes chercheurs de dimension internationale.

À la rentrée prochaine ?

Si le Conseil scientifique approuve ce projet, le séminaire post-doctoral pourrait commencer de se réunir deux fois par mois à partir de la rentrée prochaine en novembre 2010. Si nous en décidions ainsi, il pourrait être officiellement ouvert — et le Collège post-doctoral de l’EHESS serait officiellement créé — à l’occasion d’une journée d’études inaugurale organisée dans l’amphithéâtre à la fin du mois d’octobre. Simultanément le Collège ouvrirait non pas ses portes certes (nous évitons ce qui est rigide ou contraignant) mais bien sûr ses espaces virtuels grâce à l’informatique de réseau (les trois sites web dédiés dont j’ai parlé) sur laquelle j’ai construit ce projet.