Alors que la mobilité dans l’emploi est devenue un impératif mécanique et une exigence aveugle, Nilda Mutti Montanaro a conduit toute sa carrière dans le même établissement, l’École. Mais elle aura eu l’intelligence d’y vivre plusieurs vies professionnelles.

Née à Buenos Aires, elle est arrivée à Paris en 1972, avec son diplôme d’institutrice – maestra normal nacional – en poche. Elle a aussitôt repris des études dans le domaine de la pédagogie et de la psychologie des enfants. C’est à l’Université Paris V-René Descartes qu’elle effectuera un cursus complet de la licence et la maîtrise jusqu’au diplôme d’études universitaires des sciences de l’éducation. Pendant ce parcours d’étudiante, elle devient vacataire à l’École en 1975 et jusqu’en 1981. Elle décide d’y faire sa vie professionnelle. Ce parcours est celui d’une réussite. D’abord agent contractuel comme attachée administrative, titularisée en 1988, Nilda Mutti a intégré le corps des ingénieurs d’études en 2001 et achève son parcours ce mois de janvier 2013, comme ingénieure d’études hors classe. Cette progression s’est faite intégralement au sein de l’établissement.

Trois grands domaines d’action ont marqué les étapes de cette vie professionnelle. Nilda Mutti aura fait ses premières armes au service des affaires financières, dont elle finit par accepter la direction en 1996. Les secrétaires généraux successifs ont témoigné de l’extrême fiabilité de tous les documents produits par Nilda, et de sa maîtrise des dossiers les plus arides. Cette compétence reconnue, elle l’aura acquise par l’expérience au contact de ses collègues des services financiers, elle qui aurait dû enseigner aux tout petits. Dans les années 2000, elle a été l’architecte militante du service de formation permanente des personnels administratifs de l’École. Toutes celles et tous ceux qui sont attentifs aux conditions de travail de ces personnels admirent encore l’attention et les encouragements que Nilda Mutti a déployés pour convaincre les personnels d’accélérer leur progression de carrière par l’acquisition de compétences nouvelles et par la priorité accordée à la préparation des concours administratifs. Nilda débusquait les itinéraires injustement ralentis ou arrêtés et, à force de persuasion, a convaincu de nombreux collègues qu’ils devaient et pouvaient se remettre en marche grâce à l’acquisition de nouveaux savoirs et de nouveaux savoir-faire. Nilda Mutti n’aura pas été en reste, elle qui n’a jamais cessé de recourir aux stages de formation pour anticiper sur les transformations de son métier. Cette attitude volontaire lui a permis de négocier à temps le virage de l’informatisation des services financiers et administratifs. Elle aura montré l’exemple, en s’appropriant en avant-garde l’usage des différents logiciels de gestion que les pouvoirs publics ont implantés dans les établissements d’enseignement supérieur depuis les années 1990.

Il est une troisième activité dans laquelle Nilda n’a pas moins brillé et qui restera pour de nombreux membres de l’École un titre de gloire : l’animation hebdomadaire de l’atelier des enfants du mercredi, dans les locaux syndicaux du 54 boulevard Raspail. Toutes celles et tous ceux dont les enfants ont eu le bonheur de fréquenter cet atelier peuvent témoigner du talent exceptionnel de Nilda pour accueillir et éveiller des enfants de tous âges en parfaite harmonie. C’est dans ce cadre, qu’elle a pu pendant quelques trop courtes années déployer ses talents d’institutrice, le métier initial qu’elle n’a jamais renié. Sur ce terrain, comme sur les autres, Nilda Mutti a su anticiper un besoin essentiel. L’existence d’un service d’accueil des enfants de tous types de personnels favorise la cohésion de la communauté des membres de l’École et participe de la politique générale d’égalité des conditions professionnelles. Le projet Condorcet prévoit, à juste titre, la création d’une structure d’accueil des jeunes enfants des personnels du futur campus : l’œuvre que Nilda a accomplie sur ce terrain pourra servir d’exemple aux projets en cours de définition.

Cette collègue venue d’Argentine, vivant à tous égards une double culture et un bilinguisme permanent, n’ayant jamais perdu le contact ni avec les métiers de l’enseignement ni avec les enseignants-chercheurs, ayant acquis sans pause des compétences de plus en plus sophistiquées pour la conduite de ses responsabilités, n’a eu de cesse de transmettre à ses collègues le désir de maîtriser le temps qui passe et la vie comme elle devient. C’est un lieu commun de dire qu’une personnalité comme Nilda Mutti manquera à ceux qui ont eu tant de plaisir à travailler à ses côtés, et en même temps que ses ressources personnelles trouveront à se déployer ailleurs que dans les bureaux de l’École. Lieu commun sans doute. Mais tellement juste, s’agissant de Nilda.