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La Lettre n° 57 | Vie de l'École
par Jean-Claude Penrad

Faire son cinéma ! La question des « images animées » à l’EHESS

La question d’une présence cinématographique à l’EHESS se pose, avec des amplitudes académiques variées, à plusieurs échelons dans l’ensemble des activités de l’EHESS : la communication, l’édition et la diffusion des savoirs, les équipements techniques, la pratique et la production scientifique, la recherche, les séminaires…

La Direction de l’audiovisuel, dont l’objectif est de renforcer la présence de l’audiovisuel dans la promotion des activités scientifiques de l’EHESS, fournit, selon les moyens humains et matériels disponibles, des réponses à plusieurs niveaux. Celui de la logistique, tout d’abord, permet de répondre aux demandes croissantes d’équipements audiovisuels en support des séminaires, conférences et colloques. En appui documentaire, la vidéothèque met à disposition des étudiants et des chercheurs une base de données mentionnant plus de 4000 films et un catalogue de documents consultables sur place. Une convention d’hébergement, récemment signée avec la Société française d’anthropologie visuelle (SFAV), permet d’enrichir ce catalogue avec une collection unique de films étrangers ayant marqué les écritures visuelles anthropologiques au cours de ces dernières décennies. L’activité de production ne cesse de croître depuis trois ou quatre ans, du fait des enregistrements d’événements et de certaines séances de séminaires, mais aussi des demandes plus particulières provenant de chercheurs ou d’étudiants pour la réalisation de films exposant leurs travaux. Par ailleurs, la production audiovisuelle implique un corollaire : sa diffusion. D’où la nécessité de maintenir une veille concernant les évolutions numériques relatives à l’hébergement et à la mise en ligne, sans pour autant éviter les aspects juridiques associés. À ce niveau, la réflexion menée et les choix retenus doivent résulter d’une concertation étroite avec le service de la communication de l’EHESS (comme c’est le cas pour les conventions établies récemment avec Canal-U et France Culture Plus), mais aussi avec le service juridique dans la mesure où les questions de droit contraignent de plus en plus la réalisation, l’usage et la diffusion des images.

À l’EHESS, l’offre de séminaires concernant les « images animées » (pour les distinguer des iconographies anciennes et de la photographie) ne cesse de croître (plus d’une vingtaine de séminaires repérés cette année) et révèle la reconnaissance croissante du film, ou de la vidéo, comme objet et pratique de la recherche en sciences sociales, mais aussi l’attrait de ces objets et des nouvelles écritures audiovisuelles pour les étudiants. À noter que la présence, parfois problématique du fait du nombre, d’étudiants inscrits en études cinématographiques à l’Université Paris III, mais aussi de professionnels, atteste, si besoin était, de l’originalité et de la variété des approches que nous proposons dans ce domaine. Ainsi, à titre d’exemple, l’atelier d’écriture documentaire rencontre un succès qui nous a contraints à en limiter l’accès aux seuls inscrits à l’EHESS (et en inscription seconde pour ceux de Paris III), réunissant des étudiants rattachés à différentes formations de master.

L’exposé trop bref de ces développements, plaide en faveur d’une réflexion à conduire quant aux formes que doit prendre un développement de l’enseignement et de la recherche relatif aux « images animées » à l’EHESS. Ainsi, le recrutement éventuel d’une ou d’un collègue, directeur d’études ou maître de conférences, implique qu’au préalable une vraie discussion soit menée pour identifier collectivement l’espace de recherche et d’enseignement qui sera privilégié pour ce recrutement, indépendamment des réseaux personnels de chacun et chacune d’entre-nous. Que voulons-nous pour l’EHESS ? Remplacer des départs ou s’ouvrir à de nouveaux champs de recherche impliquant une approche originale (et une pratique ?) des cultures visuelles et numériques, de leurs mises en œuvre, de leurs implications sociales et politiques, de leurs évolutions historiques, de leur formalisation ?

Afin de matérialiser cette réflexion, l’organisation de journées d’étude pourrait permettre, entre autres, de rendre visible l’existant, de révéler des logiques disciplinaires, de réfléchir aux potentialités des écritures visuelles de la recherche, à la production de nouveaux corpus et de nouvelles archives, d’explorer les marges de la création artistique et de la pratique scientifique…

D’autres pistes, pour enrichir notre palette en recherche et en enseignement et de façon transitoire, pourraient être explorées avec les outils dont nous disposons. Ainsi, au-delà des conférences complémentaires, pourrions-nous, par exemple, retenir le principe de l’utilisation d’un nombre de « mois invités » à déterminer, sur un ou deux ans, sur un rythme trimestriel ou semestriel (permettant une validation pour les étudiants), afin de renouveler notre offre de séminaires dans le domaine des « images animées » et dans le même temps de répondre à une évolution perceptible. Cette période serait mise à profit pour repérer des collègues susceptibles de nous rejoindre après élection. Une autre suggestion, indépendante de la question d’un recrutement permanent mais intéressant l’offre proposée aux étudiants en lien avec nos propres activités, serait de formaliser des collaborations ponctuelles avec des partenaires tels que la Cinémathèque française (Conservatoire des techniques du cinéma), le Comité du film ethnographique, les ateliers Varan, le Forum des images de la Ville de Paris, la nouvelle Cité du cinéma de Saint-Denis (reliée à l’École nationale Louis Lumière), l’INA,…

L’École n’est pas une école de cinéma, mais ses acteurs projettent leurs regards sur le monde et ses représentations et les « images animées » en sont des composantes et des vecteurs toujours plus actifs. Dans le même temps, les pratiques de la recherche s’insinuent dans le mouvement des images. Le film est désormais archive, la caméra carnet de notes, le film récit, le multimédia écriture à plusieurs dimensions. La diffusion des connaissances, la production et l’édition de la recherche, là où le livre est toujours omniprésent, et pour longtemps, ne peuvent faire l’impasse sur ces « images animées » et leurs prolongements numériques. Un vrai débat s’impose avec à l’horizon l’identification d’un domaine et d’objets de recherche, en perspective des élections futures.