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La Lettre n° 56 | Échos de la recherche
par Audrey Lasserre

Usage(s) de HAL-SHS pour un projet ANR

En tant que cheffe de projet et assistante de recherches du CRAL, j’aimerais partager ici mon expérience de HAL-SHS et de la création d’une collection, dans le cadre d’un projet subventionné par l’Agence nationale de la recherche (ANR). En accord avec la porteuse du projet, Anne Simon (CNRS, CRAL), et encouragée en cela par l’Agence nationale de la recherche, j’ai souhaité mettre en œuvre une collection sur HAL-SHS qui répertorie et donne à lire les publications du projet « Animots ». Une collection permet en effet de présenter un ensemble de documents dans un même espace en ligne, à savoir un mini-site web. Cette fonctionnalité est offerte pour une revue, un colloque, une institution, une équipe, laboratoire, etc. Dans La Lettre de l’École n°54, Alain Blum a ainsi présenté ses conclusions sur la mise en place et l’usage d’une collection pour un centre de recherches, le CERCEC. Ma contribution se veut un prolongement des avis émis et questionnements déjà ouverts par celui-ci à propos de cet outil mis à disposition de la communauté scientifique qu’est HAL.

Pour bien comprendre l’usage que nous faisons de HAL-SHS, il me faut tout d’abord en quelques mots présenter le projet « Animots : animaux et animalité dans la littérature de langue française (XXe-XXIe siècle) » dirigé par Anne Simon. « Animots » fédère, en France comme à l’étranger, une recherche organisée à moyen et long terme les animaux, l’animalité et les rapports hommes/bêtes dans la littérature de langue française des XXe-XXIe siècles. Fondé sur un partenariat entre le CRAL (Centre de recherches sur les arts et le langage, CNRS/EHESS) et l’EA « Écritures de la modernité » (conventionnée CNRS, Université Paris 3), le projet, qui court de 2010 à 2014, est constitué de huit chercheuses/eurs, dont trois sont rattaché-e-s à des établissements britanniques et américains. Cette configuration permet de tenir compte des renouvellements théoriques anglo-saxons et français et de développer la recherche dans les deux langues. Pendant ces quatre années de subvention, le projet prévoit de développer trois séminaires, un congrès international, trois colloques internationaux, cinq sessions à des colloques internationaux, huit publications collectives, un carnet de recherche en ligne et une bibliographie raisonnée. À mi-parcours, plus de la moitié de ces objectifs ont été réalisés, donnant ainsi matière à la création d’une collection dans HAL–SHS.

En février 2012, j’ai donc demandé la création d’un compte utilisatrice dans HAL me permettant d’effectuer le dépôt des notices et celle d’une fiche pour l’ANR « Animots » au sein de la base, autorisant ainsi à indiquer pour chaque référence le soutien à la publication du projet « Animots ». La dernière requête à l’équipe de HAL fut celle d’une collection « Animots » permettant de répertorier les publications des membres du projet, ou de tout-e chercheur/euse soutenu-e par le projet pour une publication donnée. Il me faut préciser à ce stade que l’équipe de HAL est non seulement exceptionnellement réactive – pas une de mes questions ou remarques n’est restée sans réponse plus de 24 heures – mais encore compétente et efficace. Au sein de l’École, l’aide précieuse de Jacqueline Nivard a complété ce dispositif afin de mettre en place une présentation de la collection et d’offrir une charte graphique unifiée. En avril 2012, la collection était ainsi accessible en ligne et les premières publications de notre projet recensées.

Cette première saisie a alors permis de mesurer un hiatus entre la définition de HAL-SHS, qui se veut une bibliothèque numérique récoltant et donnant visibilité aux productions intellectuelles de la recherche, et l’usage réel que l’on peut en faire. L’objectif aurait pu en effet, et même dû, être la mise en ligne de textes prononcés lors de conférences, voire rédigés dans le cadre des publications collectives. Or un projet subventionné par l’Agence nationale de la recherche donne à lire une recherche dans une production immédiate. Dans notre cas, et me semble-t-il dans les cas de nombreux projets subventionnés par l’ANR, cette production immédiate est immédiatement publiée au format « papier », tel qu’y encouragent les « livrables » demandés lors de la constitution du dossier visant à obtenir les fonds. Il faut également rappeler qu’en France, en Sciences humaines et sociales du moins, et en littérature en particulier, les publications au format « papier » bénéficient encore d’un indice de reconnaissance supérieur aux publications sur écran.

Dans ce contexte d’une publication au format « papier » systématique et valorisée, se pose alors un problème crucial qui interdit la plupart du temps le dépôt du texte intégral (même la version preprint, avant épreuves), celui de la rémunération de la maison d’édition qui en assure la dite publication. Les maisons d’édition qui se sont engagées à publier les textes issus d’un projet subventionné par l’ANR, sous la forme de collectifs notamment, voient en effet d’un très mauvais œil la mise en ligne immédiate des textes par ailleurs publiés par leur équipe éditoriale, au motif tout à fait recevable que le travail d’édition « papier » risque de ne pas être rémunéré, leurs frais de ne pas être compensés, et à terme leur boutique de fermer. Cette inquiétude les encourage soit à émettre de sérieuses réserves lors de la contractualisation du volume à éditer, soit à préparer un contrat d’édition qui leur garantisse l’exclusivité de la publication.

La réticence ne concerne pas uniquement les éditeurs de langue française, voici par exemple ce qu’un éditeur anglo-saxon nous a répondu lorsque nous avons demandé son accord pour mettre le texte intégral d’un article à paraître en ligne sur HAL : « Hopefully not all the authors will be asking to do something of this sort (posting open access, freely accessible posting), or future sales of our volume will be compromised. » ce que je traduirais par « Espérons que rares seront les auteurs à demander ce genre de chose (poster en accès libre, gratuitement), ou les futures ventes de nos volumes seront compromises ». L’accord trouvé, grâce à la bienveillance de cet éditeur, fut celui d’une traduction du texte en langue française pour mise en ligne du texte intégral au minimum un an après la parution en langue anglaise. Le projet « Animots » étant financé pour quatre ans et la publication de ce texte intervenant la troisième année, on constate assez rapidement que sa mise à disposition dans HAL ne pourra se faire que la dernière année du projet, après avoir investi du temps, ou des fonds, dans une traduction en langue française. Pour les maisons d’édition où des ouvrages ont été publiés en langue française, les droits d’auteur ont été, comme c’est souvent le cas pour la recherche en littérature, cédés à la maison d’édition. Ne reste donc que la possibilité de publier du preprint, lorsque la maison d’édition l’autorise…

Autre question pratique qui s’est immédiatement posée, celle de la saisie et de la propriété des notices dans HAL-SHS. En tant que cheffe de projet, disposant d’un compte utilisatrice et de la capacité de gérer mes collections, c’est-à-dire de « tamponner » telle ou telle notice pour qu’elle apparaisse dans la collection « Animots », mon travail pourrait se limiter à estampiller les notices saisies par les contributrices/eurs afin de les faire figurer sur la page d’« Animots » Pourtant, afin de faire vivre cette collection, il me revient également de saisir les notices des autrices/auteurs, c’est-à-dire de déposer des références bibliographiques pour des tiers. Ce fonctionnement est explicable par deux caractéristiques de notre projet. D’une part, un peu moins de la moitié de notre effectif de recherche est rattachée à une université étrangère où HAL n’est peu, voire pas connu. D’autre part, l’économie de la recherche laisse peu de temps à des actrices/eurs déjà fort pris-e-s par de multiples tâches et obligations.

Cette saisie par la cheffe de projet que je suis induit un gain de temps pour les chercheuses/eurs du projet mais également parfois des difficultés, même si je dispose d’une compétence en la matière, pour remplir au mieux les notices pour des tiers, la notice incluant des éléments relatifs à la publication mais également à l’autrice/eur tel que son laboratoire de rattachement par exemple. Cette pratique pose enfin la question épineuse de la propriété de la notice saisie. Tant que n’a pas été créé un compte utlilisateur/trice par l’auteur/trice de la publication, je reste, en tant que déposante, seule « propriétaire » d’une notice qui n’est pourtant pas une de mes publications. De surcroît, en tant que propriétaire de la dite notice, je ne saurais prendre l’initiative, sans parler du risque en terme de droits, de mettre en ligne un texte intégral qui n’est pas le mien. Nous en revenons donc à un usage nécessairement bibliographique de HAL-SHS.

Que le CERCEC ait pris la décision de saisir sa bibliographie dans HAL-SHS au moment de la rédaction du rapport quadriennal de l’unité me paraît extrêmement éclairant sur ce qu’offre cet outil en matière de gain de temps pour les rapports institutionnels : ceux-ci mentionnent nécessairement les publications des chercheuses/eurs rattaché-e-s à l’unité, ou au projet. Ce gain de temps est précieux dans le cadre des projets subventionnés par l’ANR où un rapport doit être rendu annuellement. Cette pertinence de l’usage de HAL s’accroît encore lorsque un-e ou plusieurs chercheurs/euses sont personnel CNRS (et donc soumis à un rapport d’activité annuel RIBAC) et rattaché-e-s à des unités conventionnées CNRS (elles-mêmes soumises à un rapport maintenant quinquennal). Dans ce cadre, plusieurs réserves ont également été émises par Alain Blum sur le fait que la simplification de la saisie lors du dépôt amène un allègement des normes bibliographiques. Ici encore on lit l’usage archivistique qui est inscrit au cœur du projet HAL, et non l’usage bibliographique. Cette question aurait cependant intérêt à être réfléchie étant donné l’usage réel, bel et bien bibliographique, qui est fait de la base.