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La Lettre n° 55 | Vie de l'École
L’école d’été 2012
Crédits : Laurent Dappe
par Christophe Prochasson

L’école d’été 2012

Pour sa deuxième édition du 8 au 22 juillet, l’école d’été de l’EHESS avait retenu pour thème : « Penser la ville : politique, pouvoir, culture ». Ce programme 2012 a été élaboré par un conseil scientifique composé de Joëlle Busuttil, Vincent Duclert, Natalia Muchnik, Christophe Prochasson et Jean-Marie Schaeffer. Riche de chercheurs ayant fait de la ville en général, et de Paris en particulier, un objet d’études renouvelé, implantée dans la capitale, l’EHESS était l’une des mieux placées pour s’emparer d’une telle thématique. Anthropologues, musicologues, sociologues, philosophes et historiens se sont donc réunis pour piloter un groupe d’une dizaine d’étudiants sélectionnés venus du Brésil, d’Égypte, de Suisse, de Chine, d’Allemagne, d’Italie et même de France. Fidèle à la formule propre des écoles d’été désormais organisées par l’EHESS, le pilotage s’est voulu tout aussi intellectuel que spatial. Après le séminaire du matin, toujours en un lieu nouveau, l’après-midi était consacrée à la visite d’institutions ou de bâtiments en relation avec la conférence du matin. À lire les retours d’expérience rédigés par les étudiants, ce principe pédagogique semble avoir fait ses preuves encore qu’il ait souvent épuisé physiquement certains des participants ! La réflexion du matin associée aux déambulations de l’après-midi appelait des qualités qu’une émission de télévision des années 1970 avait su résumer en une célèbre formule titre : la tête et les jambes…

Paris sous toutes ses coutures, locales, nationales, mondiales… La capitale a été scrutée comme un pôle où s’organise le symbolique qui contribue tant à structurer tout un ensemble d’habitus nationaux, à commencer par le politique. La leçon inaugurale, assurée par Pierre Manent, a eu pour cadre l’Assemblée nationale qui a été visitée l’après-midi. Le dernier séminaire consacré à l’étude de l’exécutif en France (Christophe Prochasson) s’est, quant à lui, tenu à Versailles… La boucle était bouclée qui conduisait de la monarchie à la République. Entre ces deux moments, un passage par les locaux de l’ENA, installée dans les murs de l’ancienne École coloniale, a permis à Marc Olivier Baruch d’interroger les mécanismes de l’État en France. Un séminaire présenté par Béatrice Fraenkel a introduit la contestation politique par le truchement de l’étude de son écriture, notamment en Mai 68 qui vit la capitale s’enflammer. Grâce à Isabelle Backouche, enfin, les archives, composants majeurs de la mémoire de l’État, n’ont pas été oubliées.

Les autres volets de l’école d’été ont abordé les dimensions culturelles (religieuse, artistique, littéraire et même gastronomique) de Paris : place de la religion dans l’espace parisien (Danièle Hervieu-Léger), musique (Esteban Buch), télévision (Sabine Chalvon), bibliothèques (Valérie Tesnière), mémoire des guerres (Stéphane Audoin-Rouzeau), littérature (Dinah Ribard), gastronomie (Françoise Sabban). À chacune de ces conférences furent associées des visites, parfois insolites, et dont ont pu profiter certains collègues curieux de découvrir des lieux à côté desquels ils travaillaient pourtant depuis plus d’un an comme le ministère de l’Économie et des finances ! Comment dissimuler le plaisir qu’ont eu certains d’entre nous à jouer pendant deux semaines les « étudiants-touristes » dans leur propre ville avec les plus savants des cicerones : musée de la vie romantique, BDIC de Nanterre, églises, du Marais à La Défense, IRCAM, musée du Quai Branly, Hôtel de Ville et Archives nationales, visite d’un studio d’animation et même cimetière Montparnasse.

Des étudiants ayant participé à l’école d’été, sept étaient étudiants en sciences sociales stricto sensu, une architecte, un autre professeur d’histoire géographie et un élu d’une ville de province. Tous nous ont fait part de leur grande satisfaction tout en nous suggérant quelques très utiles améliorations comme l’organisation de visites systématiques de quartiers. Il est vrai que notre propos était un peu différent. Le programme annonçait une étude de la fonction symbolique approchée par l’analyse de la « théâtralisation des rapports sociaux, politiques et culturels qui font de Paris une ville qui non seulement se donne à « lire » mais encore « spectacularise » l’exercice du pouvoir et des contre-pouvoirs, ainsi que la mise en œuvre de la dimension culturelle. ». L’itinérance qui est l’image de fabrique de l’école d’été de l’EHESS répond à un sens du terrain partagé par les enseignants de l’EHESS et à une démarche pédagogique : elle n’est pas touristique !

Dans l’esprit même de l’EHESS, son école d’été a conservé l’idée d’une transmission du savoir fondé sur l’échange : entre les étudiants et les enseignants, mais aussi entre les enseignants et les chercheurs eux-mêmes. L’un des plaisirs de l’école d’été a reposé sur la présence de quelques passagers clandestins, désireux de venir écouter leurs collègues et plus encore curieux de les suivre dans d’inhabituelles pérégrinations. La première quinzaine de juillet, entre l’achèvement de l’année universitaire et la perspective des vacances, était bel et bien propice à l’organisation de tels moments où le plaisir du travail se conjugue avec celui d’être ensemble. Gageons que la troisième édition de l’école d’été, prise en charge par nos collègues de Marseille, saura mieux encore allier ces deux dimensions qui font beaucoup pour le succès durable de l’entreprise.