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La Lettre n° 55 | Échos de la recherche
Sylvain Laurens, élu maître de conférences par l’assemblée des enseignants en juin 2012
Crédits : SL

Sociologie des élites européennes. Entre intérêts privés et définitions concurrentes de l'intérêt public

par Sylvain Laurens, élu maître de conférences par l’assemblée des enseignants en juin 2012

Mon projet de recherche et d’enseignement s’inscrit dans le prolongement de différentes recherches que j’ai réalisées ces dernières années sur les interactions entre élites administratives, politiques et économiques en France et à Bruxelles. En se focalisant principalement sur les processus de définition des « intérêts publics » au niveau européen, il entend apporter un éclairage sur l’évolution des formes de mobilisation des élites au pouvoir dans nos sociétés contemporaines. La construction d’un espace politique européen fournit, en effet, un lieu d’observation privilégié pour analyser ce type de processus. D’un côté, l’enracinement récent des administrations supranationales de l’Union Européenne (UE) permet d’observer sur le temps court la constitution d’un nouveau corps de fonctionnaires se mobilisant au nom d’un « intérêt public européen ». De l’autre, les institutions de l’UE, longtemps privées d’onction élective directe, ont été contraintes de mobiliser de nouvelles formes de connexions avec les autres sphères sociales (notamment à travers le recours à la notion de « société civile » et la consultation régulière des représentants d’intérêts économiques). À partir d’un terrain d’enquête concret sur les institutions européennes et l’espace des lobbys patronaux bruxellois, ce projet se donne donc pour objet, d’une part, les processus d’universalisation des intérêts dont les bureaucraties européennes sont le lieu et, d’autre part, les processus de dé-singularisation des intérêts privés portés auprès des administrations contemporaines.

Sur un plan méthodologique, mes enquêtes s’organisent selon trois approches imbriquées. Une première approche valorise l’exploitation croisée des archives des institutions de l’UE et des fédérations patronales européennes pour analyser la façon dont se sont noués les liens entre ces différentes institutions. Elle privilégie également une entrée par la prosopographie afin de repérer les logiques de circulation des personnels de la sphère administrative vers la sphère économique (les revolving doors). Une seconde approche repose sur l’approfondissement d’un terrain ethnographique débuté en 2009 auprès des lobbyistes patronaux. Proposant une sociologie de la production du consensus, ce deuxième terrain analyse la façon dont les salariés des fédérations patronales accordent des intérêts économiques parfois discordants et contribuent à l’énonciation d’un intérêt public européen en lien avec les institutions communautaires. Enfin un troisième terrain d’investigation développe une approche « hors-travail » de la bulle bruxelloise en montrant comment celle-ci alimente la production d’évidences partagées entre élites administratives et économiques.

Les enseignements que je proposerai dans les prochains mois portent sur la « sociologie de l’espace politique européen » et « la sociologie des élites ». J’aimerais également aborder d’une façon ou d’une autre les enjeux liés aux questions juridiques dans la recherche en sciences humaines et sociales.