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La Lettre n° 55 | Échos de la recherche
Emmanuel Saint-Fuscien, élu maître de conférences par l’assemblée des enseignants en juin 2012

Obéissance et autorité au sein des mondes scolaires 1890-1970

par Emmanuel Saint-Fuscien, élu maître de conférences par l’assemblée des enseignants en juin 2012

Ce projet trouve sa source dans le moment d’achèvement de mes recherches doctorales sur l’autorité dans l’armée française de la fin du XIXe siècle à la fin de la Première Guerre mondiale. Dans un premier temps, il s’agit d’interroger les formes du réinvestissement social, culturel et individuel de l’expérience d’autorité et d’obéissance de 1a Première Guerre mondiale jusqu’aux années 1940. Cette question initiale en croise une autre, différente et contemporaine des années 1990-2010 qui firent de l’école le terrain privilégié de doutes et d’interrogations sociales portant sur la relation d’autorité. Si l’obéissance et l’autorité sont autant d’objets pour les sciences sociales et la psychologie depuis la fin du XIXe siècle, et si la relation entre autorité et obéissance concerne d’abord le religieux, la famille et les grandes institutions du XXe siècle, c’est sur l’école que les interrogations profondes qu’elles soulèvent ont eu tendance à se focaliser au cours de ces dernières années.

De là émerge la question principale de notre projet : en quoi les pratiques d’autorité et d’obéissance ou de désobéissance lors du premier puis du second conflit mondial ont-elles provoqué des mutations profondes et durables des relations sociales d’autorité dont l’école demeure l’une des principales pierres de touche ? Par ce biais, c’est l’ensemble de l’autorité pédagogique et des formes de l’obéissance scolaire entre 1890 et 1970 environ que nous aimerions réexaminer. Aussi pour ce qu’elle révèle de mutations sociales et culturelles plus larges. De ce point de vue, les pratiques et les pensées scolaires de l’autorité et de l’obéissance ne seront pas considérées isolément mais davantage au titre de voie d’accès à la compréhension des mutations sociales, politiques et culturelles de la relation d’autorité elle-même.

Trois axes sont envisagés. Le premier s’attache à contextualiser les évolutions des normes disciplinaires : règlements des établissements scolaires, économie de la sanction, (récompenses, retenues, prix..), instances disciplinaires (conseils de disciplines) et leur réception y compris dans l’espace colonial. Un second axe repérera les inflexions principales de l’autorité enseignante (masculine et féminine) au cours du premier XXe siècle, et donc la question du réinvestissement ou du rejet de l’expérience de guerre des enseignants et des élèves eux-mêmes : « tenue » des classes, sanctions, perception de l’obéissance ou de la désobéissance des élèves. En s’inscrivant dans une démarche comparative – à travers les exemples espagnols et britanniques notamment – un troisième axe s’intéressera aux pratiques et aux discours de la pédagogie nouvelle qui traversent l’enseignement européen. Là aussi, les liens entre les contextes de guerre et l’œuvre des psychologues de l’enfance comme des grands pédagogues européens des années 1920 et 1930 (Freinet, Neil, Montessori, Torroja I Vallis, Wallon…) seront privilégiés.

Sur l’autorité, la hiérarchie, l’obéissance, la désobéissance, nous serons à chaque fois attentifs à la circulation des pratiques et des discours entre l’école et les autres institutions (armée, industrie, famille). À travers l’exemple scolaire, notre objectif demeure de contribuer à une meilleure compréhension des mutations sociales, politiques et culturelle de la relation d’autorité proprement dite.