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La Lettre n° 54 | Dans les centres et les services
Visite des professionnels de l’information scientifique et technique de l’EHESS à la BnF
Crédits : bnf.fr
par Aline Debert et Indiana Loessin

Le GDBE à la BnF

Le vendredi 15 juin au matin une partie du GDBE (Groupe des documentalistes et bibliothécaires de l’EHESS) avait rendez-vous avec Françoise Simeray, du Service orientation des lecteurs, plus particulièrement en charge du dossier sur le rapprochement de la BnF et de l’École, et Slimane Tunsi, du même service, pour une visite de la Bibliothèque nationale de France.

Les fonds de la BnF ont pour origine les collections royales, depuis celles de Charles V et de Louis XI, considérablement enrichies par François Ier, promoteur de l’ordonnance créant le dépôt légal (1537), Jean-Baptiste Colbert, les confiscations révolutionnaires. Le nom de la bibliothèque changea au cours des siècles, au gré des régimes politiques : bibliothèque royale elle devient nationale, impériale, TGB (Très grande bibliothèque), Bibliothèque de France pour se stabiliser sous la forme actuelle de Bibliothèque nationale de France.

Elle se déploie aujourd’hui sur sept sites. Quatre sont parisiens : la nouvelle bibliothèque François Mitterrand, où sont conservés les imprimés et les documents audiovisuels (enregistrements sonores, films, multimédias), le site historique Richelieu-Louvois, où sont restés les manuscrits, les estampes et photographies, les arts du spectacle, les cartes et plans et le cabinet des monnaies, médailles et antiques, la bibliothèque-musée de l’Opéra et enfin la bibliothèque de l’Arsenal, rattachée administrativement à la BnF. À ces implantations s’ajoute la Maison Jean Vilar, à Avignon, qui conserve les archives Jean Vilar et tout ce qui se rattache au festival d’Avignon. Enfin deux sites « techniques » complètent cette géographie : le centre de Bussy-Saint-Georges et le centre Joël Le Theule à Sablé-sur-Sarthe, plus axé sur la restauration et la sauvegarde des documents. Les travaux entrepris sur le site Richelieu-Louvois depuis 2010 et qui devraient s’achever en 2017, ont entraîné un hébergement provisoire d’une partie de ses collections sur les implantations François-Mitterrand et Bussy-Saint-Georges.

La bibliothèque François Mitterrand, à l’origine, ne devait recevoir que les imprimés à partir de 1945. Ce choix suscita de vifs débats. Il fut alors décidé de laisser ensemble tous les imprimés, ce qui pose maintenant le problème de la place disponible pour l’accroissement des collections. Son architecture, conçue par Dominique Perrault, s’organise en un socle autour d’un jardin, surmonté aux angles de quatre tours de 79 mètres de haut (à partir de l’esplanade) et étagée en 22 niveaux. Les deux premiers étages ont été laissés vides pour la lumière ; au-dessus 7 niveaux ont été aménagés en bureaux ; les magasins occupent les 11 étages suivants, singularisés par leurs volets fermés ; enfin les deux derniers niveaux sont réservés à la « technique ». Chaque tour correspond à une branche du savoir et se caractérise par une couleur propre : ainsi le bleu pour la Tour des Temps (T1 : philosophie, histoire, sciences de l’homme), le vert pour la Tour des Lois (T2 : droit, économie, politique), le jaune pour la Tour des Nombres (T3 : sciences et techniques) enfin le rouge pour la Tour des lettres (T4 : littérature et art).

Dans le jardin, au centre donc, au milieu d’essences arborées variées (pins, hêtres, charmes, bouleaux, merisiers, sorbiers, sureaux, peupliers trembles) – rappel des peintures murales de la grande salle Labrouste ? – et d’une flore de vivaces (raisin d’Amérique, bugle rampante, clématite…) toute une faune s’est installée. On y trouve diverses espèces rampantes et volantes : vingt espèces d’araignées, des escargots, des coléoptères de toutes sortes, huit espèces de papillons, des pipistrelles. Parmi les oiseaux, on dénombre des pies bavardes, des geais des chênes, des mésanges bleues, des rouges-gorges, des troglodytes mignons, des éperviers dont seulement trois couples sont recensés sur Paris (BnF, parc Montsouris, Buttes Chaumont), des étourneaux sansonnets si envahissants et polluants qu’on a dû en contrôler la population en introduisant des faucons pèlerins. Pour éviter que les oiseaux ne viennent s’écraser sur les vitres des bâtiments, des silhouettes bleues d’oiseaux y ont été collées.

Autour du jardin, en « haut-de-jardin », s’étendent les espaces d’accueil (information, vestiaires), les lieux réservés aux expositions et les 10 salles de lecture thématiques (de A à J) de la bibliothèque d’étude, ouverte à toute personne âgée de plus de seize ans ayant acquitté le tarif en vigueur. Les livres, entièrement en libre accès et classés selon une classification Dewey « maison », ne proviennent pas des collections patrimoniales. Ce sont soit des doublons soit des achats. On peut repérer les périodes d’acquisition selon les reliures : les pleines reliures avant l’ouverture de la bibliothèque, reliures en dos seulement à l’ouverture et depuis, rigueur oblige, un équipement nettement plus léger…

À l’ouest, le Hall des Globes, présente de façon remarquable les deux gigantesques globes, terrestre et céleste, construits pour Louis XIV par le moine Vincenzo Coronelli et offre un espace pédagogique. Petite anecdote en passant, quatre jours après son élection, le nouveau président de la République, François Hollande, venu déposer une gerbe pour commémorer l’élection de François Mitterrand à la plus haute fonction le 10 mai 1981, s’est arrêté devant les globes. Or la première chose que voit le visiteur est le globe terrestre positionné sur la « nouvelle Hollande » !

En « rez-de-jardin », la bibliothèque de recherche déploie ses quatorze salles de lecture (de K à Y, il n’y a pas de Q). Elle est réservée aux lecteurs accrédités, généralement des universitaires, des étudiants à partir du Master ou des professionnels, et conserve les fonds patrimoniaux en plus de documents en libre accès, ces derniers provenant des usuels de la salle Labrouste ou bien ayant été achetés. Ces ouvrages sont équipés un peu plus lourdement que ceux de la bibliothèque d’étude mais sont rangés selon la même classification Dewey adaptée. Le Service d’orientation des lecteurs constitue une première étape et un passage obligé pour accéder à la bibliothèque de recherche. Deux postes sont prévus dans chaque salle : un pour les renseignements bibliographiques le second pour le magasinage. Des casiers sont aussi prévus pour les livres du lendemain. vingt-cinq communications par jour sont possibles dont cinq faisables à l’avance via Internet.

Les documents demandés par les lecteurs sont acheminés au moyen du TAD (Transport Automatisé des Documents). Cet impressionnant circuit de huit km de rails qui circulent à tous les étages, permet à 350 nacelles de livrer le document demandé en moins de quarante minutes et sans dommage grâce à un système de basculement qui maintient toujours à l’horizontale le contenu. Les documents fragiles sont mis au préalable sous des pochettes en plastique-bulle. Aiguillage, suivi du document (de sa demande par le lecteur à sa réintégration dans les collections), intervention d’une équipe de techniciens en cas de problème : l’organisation n’a rien à envier à celle d’un réseau ferroviaire ! Une révision totale du TAD a lieu lors des quinze jours de fermeture annuelle. 300 magasiniers travaillent dans les magasins qui sont composés de rayonnages fixes pour les sections les plus demandées mais surtout de compacts manuels et électriques. Depuis 1997, une nouvelle cotation a remplacé celle « historique » de Nicolas Clément. Les codes barre ne sont pas collés sur les belles reliures mais glissés à l’intérieur du livre avec un report au crayon sur la première page. Quant à la Réserve, dont la venue sur le site François-Mitterrand n’était pas prévue à l’origine du projet, elle a été « suspendue » entre haut et rez de jardin !

La BnF a su s’adapter à l’évolution des pratiques et des techniques en se dotant d’un accès à Internet et en proposant, en plus de Gallica, de nombreuses ressources électroniques accessibles ou non à distance : 250 abonnements à des bases de données dont 60 accessibles en lignes aux détenteurs de cartes annuelles. Quant au dépôt légal, il s’est peu à peu étendu aux nouveaux supports, gravure, photographie, audiovisuel, mais également au Web avec le lancement en 2006 des Archives de l’Internet. Ces dernières, accessibles en bibliothèque de recherche, copient à intervalles réguliers les sites français (.fr et quelques .gouv.) pour en conserver la mémoire et rendre compte de leur évolution. Il est à noter que ce ne sont pas les éditeurs qui déposent. De plus la BnF se charge des démarches auprès de ces derniers pour avoir accès aux parties inaccessibles ou sous conditions de ces sites. Le web est accessible aux lecteurs mais par voie filaire non par wifi.

La BnF en quelques chiffres :

  • 7,5 hectares de terrain
  • 3 314 places pour 24 salles de lecture (1506 en Haut-de-jardin, 1682 en Rez-de-jardin)
  • 3 021 lecteurs par jour
  • 14 millions d’imprimés dont 600 000 en libre accès
  • accroissement annuel : en 1780 = 300 livres/an, en 1880 12 000 livres/an, en 1980 40 000 documents/an
  • dépôt légal : 60 000 documents/an
  • 10 887 563 notices bibliographiques dans le catalogue général
  • un personnel de 2 040 collaborateurs
  • un budget annuel de 244 M. €

La matinée s’est close sur une rencontre amicale avec Thierry Bruckmann, directeur des collections de la BnF, et plusieurs directeurs de départements spécialisés en lien avec les thèmes de l’EHESS, en vue d’une collaboration entre les deux institutions désormais proches géographiquement. Deux types de partenariats ont été envisagés, concernant :

  • les publics : une mutualisation de l’accès aux ressources documentaires, avec présentation des bibliothèques, visite personnalisée des collections et tarifs préférentiels, permettrait aux chercheurs de mieux saisir la complémentarité des offres de chaque établissement – fonds plutôt généraliste et francophone pour la BnF, savant et multilingue pour les centres de l’EHESS ;
  • les professionnels de la documentation : sont notamment évoqués des partenariats sur la documentation électronique, la mutualisation d’abonnements, une aide à la numérisation ou encore le partage des acquisitions.

En conclusion, Thierry Bruckmann insiste sur le fait que cette collaboration doit valoriser les collections de l’EHESS ainsi que l’expertise de son personnel.