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La Lettre n° 30 | Présentation
Jean-François Gossiaux
Crédits : J.-F. Gossiaux
par Jean-François Gossiaux

L’institut interdisciplinaire d’anthropologie du contemporain (IIAC)

L’Institut interdisciplinaire d’anthropologie du contemporain (IIAC), unité mixte (UMR) EHESS-CNRS, est né le 1er janvier 2006 de l’union de trois laboratoires (LAIOS, LAHIC, CETSAH), dont deux sont passés à cette occasion officiellement sous la tutelle de l’EHESS (le LAIOS, précédemment unité propre du CNRS, et le LAHIC, précédemment UMR CNRS-ministère de la Culture et de la Communication). À l’époque, le CNRS, en l’occurrence soutenu par l’École, impulsait une politique de regroupement systématique de ses unités. L’idée ici était de créer à l’EHESS une unité d’anthropologie généraliste pouvant exister sur la place de Paris face à d’autres gros laboratoires d’autres universités (celui de Nanterre, par exemple). Fin 2005, un processus de regroupement du LAIOS, du LAHIC, du CETSAH et du GTMS (Genèse et transformation des mondes sociaux) s’est ainsi engagé. Au cours de la négociation, l’accord s’est fait assez rapidement sur le principe et le périmètre de ce regroupement, et sur son mode de fonctionnement, conçu comme fédératif, mais les discussions ont achoppé sur la question de l’intitulé (qui, évidemment, était en fait celle de l’identité, de l’objet et du programme de la nouvelle entité). Trois partenaires se sont finalement accordés sur l’intitulé Institut interdisciplinaire d’anthropologie du contemporain, IIAC, que le GTMS a refusé, refusant du même coup d’entrer dans la nouvelle unité. Une quatrième équipe, « Anthropologie de l’écriture », issue du LAHIC, est venue s’ajouter aux trois fondatrices en 2007, et une cinquième, le Laboratoire d’anthropologie urbaine (LAU), précédemment unité propre de recherche (UPR) CNRS, les rejoint en 2010 – le principe de cette intégration ayant été approuvé par le conseil scientifique de l’École en juin 2007.

L’IIAC compte au 1er janvier 2010 soixante-dix-huit membres statutaires, soit trente-huit chercheurs CNRS, quinze enseignants-chercheurs dont six EHESS, vingt-trois ITA (seize CNRS, cinq ministère de la Culture, deux EHESS) et soixante-trois membres associés ou non permanents, et encadre cent dix-huit doctorants. Ses cinq équipes sont réparties sur sept sites à Paris (un en province).

Le périmètre scientifique est défini par son intitulé, dont on a vu qu’il fait effectivement programme – au prix de l’euphonie. L’IIAC a pour objet l’anthropologie des sociétés contemporaines, c'est-à-dire des sociétés qui partagent un même temps historique. Ses recherches, inscrites dans le projet fondamentalement comparatif de l’anthropologie, portent de manière privilégiée sur les processus d’interaction et de transformation qui se produisent dans l’espace commun défini par la contemporanéité. Si celle-ci ne se limite pas au temps présent, une attention particulière est cependant portée, de manière transversale, aux sujets se situant en quelque sorte à l’extrême pointe du contemporain, que ce soit dans l’ordre du politique ou du culturel, que cela concerne les représentations ou les comportements, les modes de vie ou les pratiques techniques. Le risque de dérive qui menace ce genre de projet est l’« air du temps » et plus sérieusement l’ethnocentrisme et le chronocentrisme, c’est-à-dire le risque de prendre sa société et son époque pour le pivot de l’histoire humaine. Contre ce risque, l’armature théorique et méthodologique est fournie par la diversité géographique de terrains situés en Europe aussi bien qu’en Asie, en Afrique ou dans les Amériques, et par un « décentrement » temporel assuré par une présence significative d’historiens.

 En dépit du caractère un peu « brusque » de sa création, l’IIAC a donc une véritable définition scientifique, dans laquelle on peut ou non, comme on l’a vu, se reconnaître. L’adhésion du LAU (à l’encontre même du CNRS à l’époque) montre qu’un tel effet de reconnaissance existe. Un autre indice de l’attractivité de l’unité est fourni par le nombre de candidats CNRS qui indiquent l’IIAC dans leurs vœux. La création de l’équipe « Anthropologie de l’écriture » est par ailleurs un motif de satisfaction, car elle témoigne au final d’une certaine rationalité des regroupements : la souplesse structurelle des unités de recherche qui en sont issues est propice à l’émergence et à l’autonomisation de nouvelles équipes vouées à tel ou tel domaine. Au cours des dernières années, le périmètre de l’IIAC s’est ainsi étendu : l’équipe « Anthropologie de l’écriture », en se développant, a fait entrer de nouveaux thèmes dans les intérêts de l’institut ; avec l’arrivée du LAU, c’est la thématique urbaine (avec notamment un accent mis sur le Proche-Orient) qui s’enrichit.

Durant ces quatre ans, la structure interne de l’IIAC s’est renforcée : un secrétariat central a été mis en place qui, au fil des années, en est venu à assurer un rôle majeur d’harmonisation et de coordination dans l’administration et la gestion des différents sites. Les services centraux se sont étoffés grâce à l’affectation de deux ingénieurs CNRS chargés respectivement des archives ouvertes et des opérations multimédia ; ceci lié à un effort particulier portant sur la communication et la diffusion de la recherche et s’inscrivant dans la dynamique induite par les grands chantiers initiés par les centres de ressources numérique et le TGE Adonis. Cet effort n’est pas seulement technique : il vise également à produire une réflexion théorique sur les nouveaux liens systémiques existant entre la production, la mise en forme et la diffusion des connaissances. Cet axe « Diffusion et multimédia », qui allie service et recherche, a eu un effet fédérateur au sein de l’unité. Les liens créés se sont notamment concrétisés dans des « journées » qui se sont par la suite pérennisées sous la forme d’un atelier permanent. La dimension collective et transversale de l’unité s’est par ailleurs manifestée dans un certain nombre d’autres événements, comme des journées d’étude, et dans la réflexion programmatique de ses différentes instances (comité de direction, conseil de laboratoire, assemblées générales), qui ont fonctionné régulièrement durant ces quatre ans, notamment à l’occasion de l’élaboration du bilan et du projet quadriennaux.

Cela étant, la transversalité, en termes de projet de vie scientifique, reste encore à développer. Ce sera, pour le prochain quadriennal, la tâche de l’institut dirigé désormais par Marc Abélès. Les quatre années qui se sont écoulées ont surtout été des années vouées à la consolidation institutionnelle de la nouvelle entité et à la construction d’un outil de recherche opérationnel, après que des conditions de départ peu favorables, et qui avaient entraîné un certain nombre de crispations compréhensibles, ont été surmontées. Les quatre ans à venir se présentent dans des conditions totalement différentes, mais pas forcément plus faciles. Des changements assez radicaux auront lieu bon gré mal gré. Pour des raisons démographiques d’abord : il va y avoir des départs massifs et (souhaitons-le) des arrivées nombreuses, qui vont entraîner un changement de génération et donc d’identité. La situation numérique de l’unité est inquiétante, mais son attractivité, traduite par l’arrivée ces deux dernières années de quatre jeunes chercheurs tout juste recrutés par le CNRS, donne des raisons d’espérer. Il reste que le corps des enseignants-chercheurs, notamment de l’École, est fortement menacé à court terme, ce qui menace du même coup l’équilibre recherche-enseignement au principe de l’UMR. La relève, de ce côté, est donc particulièrement attendue.