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La Lettre n° 47 | Présentation
Portrait de Nicolas Barreyre
Nicolas Barreyre
Crédits : L. Dappe

Nicolas Barreyre, élu maître de conférences par l’assemblée des enseignants en juin 2011

Nicolas Barreyre est historien, spécialiste des États-Unis. Sa thèse, soutenue en 2008, portait sur la spatialisation des questions d’économie politique au lendemain de la guerre de Sécession. Elle interrogeait les catégories qui structurent la politique américaine, et proposait une réinterprétation des dynamiques qui firent échec aux réformes des relations raciales entreprises dans le pays, et notamment le Sud, dans le sillage de l’abolition de l’esclavage. Elle démontrait comment la structuration spatiale des débats politiques autour de grands blocs régionaux avait abouti à lier problèmes économiques et questions raciales, et sonné le glas de la reconstruction du sud sécessionniste, ouvrant la voie à la ségrégation.

Son nouveau projet de recherche porte sur l’État aux États-Unis sur le long XIXe siècle : espaces, interactions, institutions. Il part du constat que l’un des mythes centraux de l’histoire des États-Unis est celui d’une « société sans État », d’une société civile qui se prend elle-même en charge et se méfie des ingérences étatiques. Cette image tenace du « nain dans un territoire gigantesque » a longtemps obscurci la présence et le rôle de l’État au XIXe siècle. Elle appelle dès lors à étudier la construction et le fonctionnement de ce nouvel État, héritier et bâtisseur d’empire, en sortant des dichotomies récurrentes de l’historiographie (État fort / État faible, big government / small government, Europe / États-Unis), pour envisager au contraire sa genèse et ses transformations à la rencontre des débats politiques, de la pratique sociale, et du déploiement spatial.

Ce projet sur la genèse de l’État aux États-Unis s’articule sur trois axes : une approche morphologique ; une attention à l’inscription sociale de l’État ; et une réflexion sur sa spatialisation. Le premier axe porte sur les formes institutionnelles d’un État fondé sur une souveraineté populaire distribuée à des centres multiples, envisagées dans les négociations politiques et dans les interactions sociales. Il interroge en particulier les modalités d’imbrication entre privé et public, et les effets de retour de ces arrangements. Le deuxième axe examine comment se tissent les relations entre État et habitants (juridiquement différenciés entre citoyens hommes, femmes, Indiens et non-libres) dans une société sans démarcation nette entre État et société civile. Il cherche à saisir comment s’élaborent socialement les rapports aux institutions dans un système où les emplois publics servent de prébendes électorales, et où tous les agents de l’État ne sont pas des fonctionnaires. Il porte sur l’insertion de l’État dans des dynamiques sociales. Le troisième axe aborde la question de l’espace, à la fois comme déploiement géographique, comme organisation, et comme appréhension sociale de la réalité étatique par les Américains. Seule cette dimension spatiale permet d’intégrer les deux axes précédents. Le fédéralisme structure l’État, en assignant des territoires aux institutions et en variant les possibilités d’interventions entre États fédérés, territoires fédéraux, nations indiennes « dépendantes », étranger. Il s’agit donc d’examiner les processus institutionnels différenciés d’un État (à la fois union, nation et empire) en fonction de son inscription géographique ; d’analyser l’imbrication des échelles dans les rapports des habitants à l’État ; et de comprendre en quoi le partage spatial et l’organisation étatique participent de l’impérialisme territorial américain.

Par ailleurs, Nicolas Barreyre co-dirige avec Cécile Vidal (EHESS), Stephen Tuck (Oxford) et Michael Heale (Lancaster), un projet européen d’analyse réflexive sur le champ de l’histoire américaine. Il participe étroitement au comité éditorial des Annales : Histoire, Sciences Sociales, et est membre du comité scientifique du Mouvement Social.