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La Lettre n° 45
Intervenants et participants
Intervenants et participants
Crédits : L. Dappe
par Jean-Marie Schaeffer

La première École d’été de l’EHESS

La première École d’été de l’EHESS, « Création et histoire », s’est déroulée à Paris du 17 au 30 juillet 2011. Lancée par la présidence de l’EHESS et préparée depuis plus d’un an par une équipe composée de Joëlle Busuttil, Vincent Duclert, Natalia Muchnik, Christophe Prochasson et Jean-Marie Schaeffer, en collaboration avec la DEVE, elle a accueilli quatorze étudiants (quatre en thèse à l’EHESS), dix filles et quatre garçons, venus du Brésil, du Canada, des États-Unis, de France, d’Italie, de Suisse et de Turquie, leur offrant une formation interdisciplinaire pointue dans le champ de l'étude des arts.

Cette première édition, expérimentale, de l’École d’été de l’EHESS s’était donné trois défis.

Il s’agissait d’abord de proposer aux étudiants, venus d’horizons disciplinaires divers, une véritable formation interdisciplinaire consacrée à la question des arts. Il fallait donc les confronter à la pluralité irréductible des pratiques créatrices, de leurs modes de fonctionnement, de leurs statuts et de leurs fonctions. Le but était de les amener à prendre conscience du fait que cette multiplicité tenait certes à la nature même des pratiques mais tout autant à la diversité de leurs inscriptions historiques et culturelles. En même temps, à travers cette multiplicité et diversité, certains « apparentements » ou « airs de famille » devaient se dégager, amenant les étudiants à se poser aussi la question de l’unité anthropologique des pratiques étudiées. Ce double but a été atteint en variant les arts, les époques et les civilisations, et en croisant les approches anthropologiques, historiques et sociologiques avec l’histoire de l’art, la musicologie et la psychologie de la perception. Les cours donnés par des collègues de l’EHESS : Jean Boutier, Philippe Descola, Jean-Louis Fabiani, François Georgeon, Éric Michaud, François Lissarrague, Emmanuel Pedler et Jean-Marie Schaeffer, mais aussi par Denis Laborde du CNRS, Michel Letté du CNAM et Joachim Küpper de la Freie Universität Berlin, en combinant l’exposé des recherches en cours et les questionnements méthodologiques, ont introduit les étudiants au cœur de la recherche en train de se faire. La qualité et l’intensité des échanges entre enseignants et étudiants à la fin de chaque cours, tout comme les échanges intellectuels intenses avec André Grelon, Rita Hermon-Belot, Natalia Muchnik et Jean-Claude Penrad, qui étaient présents certains jours, ont montré que les étudiants ont été capables eux-mêmes de prolonger les questionnements abordés, de les entrecroiser et de les rapatrier dans leur propre travail de recherche. Le pari d’un partage des savoirs et des méthodes a donc été réussi : l’École d’été a permis aux participants, non seulement d’acquérir des connaissances pointues dans le champ de l'étude de la création, mais aussi de découvrir des questionnements nouveaux susceptibles de nourrir directement leur propre recherche.

Nous nous étions donné un deuxième défi : coupler les cours avec des « études de terrain » (musées, lieux de création) afin de mettre les étudiants face aux œuvres et aux pratiques. Cette démarche, originale dans le champ des études supérieures, mais conforme à la façon dont la recherche est conçue à l’École, ainsi que l’organisation de la plupart des cours dans les lieux mêmes où allait avoir lieu l’activité de « terrain » de l’après-midi ont été plébiscitées par les étudiants. Loin d’être redondantes par rapport aux cours du matin, ces visites déplaçaient les questions ou ouvraient de nouvelles échappées intellectuelles. La qualité et la générosité de l’accueil – dans la plupart des établissements notre groupe a bénéficié de conditions de visite et d’encadrement expert taillés sur mesure – offert par le Musée du Quai Branly, la BnF, l’Institut du monde arabe, le Louvre, le Musée des arts et métiers, le BAL, le Musée de la Cité de la Musique, la Cinémathèque, le Musée des impressionnismes à Giverny, le Château de Versailles, l’Institut national du Patrimoine et l’INHA – a été un facteur essentiel pour la réussite de ces activités de « terrain ».

Le troisième défi était de nature organisationnelle : il était indispensable que les étudiants vivent l’École d’été comme une expérience agréable, voire heureuse. Pour cela il fallait que les conditions d’accueil et d’accompagnement soient parfaites, ce qu’elles furent grâce au considérable travail accompli en amont par Joëlle Busuttil ainsi que par sa présence et sa disponibilité totales, depuis l’arrivée des étudiants le 16 juillet jusqu’à la fin de l’École d’été le 31. Pris en charge dès leur arrivée, les étudiants venus d’horizons pourtant très différents, ont rapidement formé des liens amicaux et intellectuels entre eux, dont nous avons tous pu mesurer la force lors de la réception d’adieu. Seule la météo a obstinément refusé de jouer le jeu, mais à l’impossible nul n’est tenu.

Si le bilan a été extrêmement positif pour les étudiants, il en va de même pour l’EHESS. Les réactions des étudiants à ce que l’École d’été leur permettait de comprendre de la vie de l’EHESS ont montré à quel point le profil de notre École constitue une « exception », et une exception désirable pour beaucoup. L’EHESS est sans doute en Europe un des seuls établissements capables d’offrir une formation interdisciplinaire d’un tel niveau et d’une telle richesse dans le champ des SHS, et l’École d’été est un moyen important pour mieux faire connaître et apprécier la qualité et la singularité de notre établissement. Enfin, pour ceux parmi nous qui ont assisté à plusieurs ou à la totalité des séances, les croisements thématiques et méthodologiques multiples émergeant des différents cours ont apporté la preuve que le potentiel interdisciplinaire de l’École pourrait être exploité davantage qu’il ne l’est actuellement. En ce sens, l’École d’été de l’EHESS, si elle est reconduite (ce qu’on ne peut qu’espérer), est susceptible de devenir aussi un des lieux d’incubation de nouvelles opérations transversales, à condition que cette dimension soit intégrée dans le projet dès la phase préparatoire. Cette nouvelle activité ne serait ainsi pas seulement tournée vers l’extérieur mais pourrait jouer un rôle non négligeable dans la dynamique même des recherches que nous menons.