Colloque international organisé par Marie Anne Polo de Beaulieu (Centre de recherches historiques) et Marie Bouhaïk-Gironès (université d'Amsterdam).

Professionnels du geste et de la parole, le prédicateur et l’acteur ne peuvent-ils être rapprochés que pour souligner les faiblesses du premier en le comparant au second, comme l’a fait Calvin ? Préoccupés l’un comme l’autre de l’effet perlocutoire de leur parole sur leur public, devant l’un et l’autre maîtriser la rhétorique et l’art de la parole, le prédicateur et l’acteur n’ont pas seulement en commun le savoir-faire propre aux métiers de la parole. À la fin du Moyen Age,  le théâtre participe, comme la prédication, à la même « acculturation chrétienne ». Hervé Martin a déjà suggéré le lien entre les grandes prédications et les représentations de mystères et a montré que les villes qui rétribuent les sermons sont aussi celles qui subventionnent les représentations de mystères. On trouve également des attestations archivistiques de représentations théâtrales organisées ou encadrées par les ordres mendiants. On repère de plus les mêmes techniques littéraires (l’amplificatio) dans les textes de la pastorale et dans ceux du théâtre. L’une imite l’autre, l’autre sert l’une : parole pastorale et parole théâtrale, qui se développent à la même période, partagent des pratiques, des codes et des modèles.
En confrontant des spécialistes de la prédication et des spécialistes de la performance théâtrale, cette rencontre scientifique a pour double objectif de se donner les moyens, d’une part, de mieux comprendre la ‘spectacularisation’ de la prédication à la fin du Moyen Age, de mieux reconnaître les modèles oratoires, les théories rhétoriques et les pratiques scéniques qui circulaient, en suivant les modes de diffusion de cette culture professionnelle commune ; d’autre part, d’appréhender la question de paradoxale cohabitation de l’interdiction de la prédication laïque et de la mise en scène constante des mythes chrétiens à travers le théâtre, pour en étudier les processus de légitimation mis en œuvre.
Plusieurs axes seront privilégiés :
- la mise en scène de la pastorale, la théâtralisation des sermons, la performance du prédicateur (et sa formation à la rhétorique en vernaculaire et à la musique) ;
- l’encadrement des mystères par les ordres mendiants et les structures légitimantes de la parole théâtrale sur les questions religieuses ;
- l’exégèse allégorique des exempla et des moralités, les sermons et leurs doubles parodiques sur la scène de théâtre (sermons joyeux), et la communauté de techniques et de thématiques entre les sermons et le théâtre ;
- la figure du prédicateur dans les mystères : prologues dits par le prescheur, personnages de prédicateurs, dans les textes et dans les images des manuscrits enluminés.