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La Lettre n° 38 | Présentation
Nicolas Ellison
Crédits : L.M. Lozada

Nicolas Ellison

Élu maître de conférences par l’assemblée des enseignants le 12 juin 2010

Mes recherches ont commencé au Chiapas, dans le sud-est du Mexique, dans le cadre du diplôme de l’Institut d’études politiques de Grenoble, où j’ai effectué, en région tzotzile, une recherche de maîtrise sur les rapports entre développement agricole et ethnicité peu après le soulèvement néo-zapatiste (1997). Ce choix était en partie le résultat de ma formation antérieure à l’université Albert-Ludwig de Fribourg (Allemagne) : initiation à l’anthropologie américaniste et à la transdisciplinarité, et première expérience de terrain en Amazonie équatorienne. C’est ce qui m’amena à poursuivre mes recherches de DEA à l’EHESS sur les rapports entre les dynamiques socio-économiques et les représentations de l’environnement, au sein de la formation Recherches comparatives sur le développement.
Allocataire de recherche rattaché au Centre de recherches sur les mondes américains (CERMA) puis ATER au sein du LASSP à Sciences Po Toulouse, j’ai effectué mon terrain principal chez les Totonaques du Centre-Est du Mexique sous la direction de Juan-Carlos Garavaglia. L’expérience de l’enquête ethnographique prolongée et l’apprentissage de la langue vernaculaire m’ont incité à réorienter ma problématique de la socio-économie du développement vers l’anthropologie sociale, sans délaisser pour autant les objets de recherche situés au croisement des disciplines. Il s’agissait d’étudier comment, dans le cas de cette société amérindienne, le développement de l’agriculture commerciale et la crise du café affectaient à la fois la reproduction sociale et les représentations symboliques de l’environnement tout en faisant l’objet d’un processus d’adaptation et de réinterprétation. Le livre tiré de ces travaux (Semé sans compter. Statut de l'économie et représentations de l'environnement en pays totonaque, Éditions MSH, à paraître) place au centre de l’analyse la relative indistinction qui prévaut entre, d’une part, les normes sociales du rapport à la nature et, d’autre part, les pratiques économiques de ces communautés pourtant totalement intégrées à l’économie de marché.
Ces conclusions invitaient à s’interroger sur les modalités de transmission des représentations écologiques et des savoirs associés, au-delà des pratiques agricoles. Grâce à une bourse de la Fondation Fyssen, j’ai pu développer mes recherches sur ces aspects cognitifs en dialogue avec l’équipe de Tim Ingold au sein du Département d’anthropologie de l’université d’Aberdeen. L’étude de la transmission des représentations de l’environnement à la fois dans le cadre des danses rituelles et des positionnements identitaires liés aux projets d’éco-développement a servi de base à deux projets comparatifs collectifs financés par l’AHRC et l’ESRC, l’un concernant les approches anthropologiques sur le paysage et l’autre la performance de l’autochtonie. Ces enquêtes collectives s’inscrivaient aussi dans une collaboration avec le Laboratoire d’anthropologie sociale et l’EREA (Centre d’enseignement et de recherches en ethnologie amérindienne du LESC) notamment pour la tenue de séminaires internationaux et la coordination de deux ouvrages. En même temps mes recherches sur les rapports entre les positionnements identitaires et la performance des danses rituelles alimentaient mes interventions au sein de la Formation à la recherche américaniste de l’EHESS.
Mes enseignements auprès des universités d’Aberdeen et de Séville ainsi que plusieurs interventions dans le cadre du séminaire de recherche du Centre d’anthropologie sociale (LISST, EHESS-Toulouse) m’ont incité à effectuer un retour réflexif sur nos propres catégories de la nature. D’où l’ouverture d’un terrain européen portant sur les pratiques de gestion de la faune sauvage dans les Highlands en Écosse visant à explorer les conséquences de la mise en patrimoine sur les savoir-faire et la production des connaissances scientifiques. Ces questions seront notamment traitées au cours de l’enseignement que je commence cette année dans l’antenne toulousaine de l’École, dans le cadre de mon séminaire « Praxis, perception et représentations de l’environnement : perspectives comparatistes » et du séminaire « L'Homme et la Nature : savoirs et pratiques » en collaboration avec Marlène Albert-Llorca (UTM) et Patrick Pérez (ENSAT).
Tout en s’appuyant sur cette perspective comparative, l’axe principal de mes futures recherches portera sur les processus de patrimonialisation de l’environnement. À travers cet objet, c’est la constitution du champ anthropologique qu’il s’agit d’interroger en revisitant l’anthropologie économique à partir de l’anthropologie de l’environnement, notamment dans sa critique du dualisme naturaliste. L’hypothèse du lien entre l’avancée de l’autonomisation de l’économie à travers les processus de patrimonialisation et le basculement des ontologies amérindiennes dans le dualisme naturaliste, désarticulant éventuellement des pans entiers des systèmes de savoirs traditionnels, sera explorée dans l’aire mésoaméricaine et sur d’autres terrains en Amérique latine. Mes recherches se poursuivront dans plusieurs directions et inclueront notamment : l’examen des conséquences sur le statut animique accordé au maïs local dans le contexte de la diffusion du maïs génétiquement modifié et de la mobilisation politique contre le brevetage du vivant au Mexique ; l’étude de la patrimonialisation des danses rituelles totonaques et de leur sécularisation entraînant la séparation entre pratiques rituelles et pratiques agricoles, et enfin l’étude comparée des processus de patrimonialisation de la nature dans le cadre des politiques de conservation et de l’écotourisme, en région totonaque et sur un terrain secondaire en Équateur.