Navigation – Plan du site
La Lettre n° 75 | Échos de la recherche
Biologie et société. Arts et sciences de l'évolution (XIXe-XXe siècles)
Crédits : Getty Research Institute
par Claudine Cohen

Biologie et société. Arts et sciences de l'évolution (XIXe-XXe siècles)

Claudine Cohen a été élue directrice d'études à l'EHESS par l’assemblée des enseignants en juin 2014.

Formée à la biologie, à la philosophie, à la littérature et à l’histoire et la philosophie des sciences, j’ai été élue Maître de Conférences à l’EHESS en 1990, sur un projet intitulé « Histoire de la paléontologie, représentations de la préhistoire ». Dans le cadre du Centre Alexandre Koyré, puis du Centre de Recherches sur l’Europe et du Centre de Recherche sur les Arts et le Langage, j’ai développé les différentes aspects de ce programme : j’ai orienté mes recherches vers l’exploration des méthodes, des concepts, des discours, des contextes intellectuels et sociaux et de la diffusion de la paléontologie et de la préhistoire, et de leurs interactions avec les disciplines connexes (biologie évolutive, géologie, anthropologie, archéologie, histoire), des débuts de l’époque moderne jusqu’à l’époque contemporaine.

L’étude des rapports entre arts et sciences  est un axe permanent de mes recherches. Ce domaine est aujourd’hui devenu particulièrement vivant et fécond, tant dans le champ de l’histoire des sciences que dans celui des études littéraires. Je me suis attachée à interroger la place et les formes de la fiction dans le discours scientifique, et l’inscription des savoirs scientifiques dans les œuvres de fiction, leur mise en scène, leur critique, voire leur émergence dans l’œuvre littéraire elle-même. L’exploration des articulations entre science et littérature a fait en particulier l’objet des travaux d’un groupe de recherche co-dirigé avec Jacques Neefs , qui s’est intéressé à l’inscription des sciences dans le Bouvard et Pécuchet de Flaubert. J’ai abordé d’autre part l’étude des rapports entre science et art visuels, selon trois orientations principales : l’étude de la rhétorique de l’image dans les ouvrages scientifiques, celle des reconstitutions iconiques des êtres éteints, et l’histoire des découvertes, des lectures et des interprétations de l’art paléolithique.

C’est dans la continuité de ces travaux que se situeront mes recherches sur les relations réciproques entre arts et sciences, dans le cadre propice et stimulant du CRAL. Dans les années qui viennent, je m’intéresserai plus particulièrement aux rapports entre arts et sciences de l’évolution (biologie évolutive, paléontologie, paléoanthropologie, préhistoire) aux XIXe et XXe siècles.

Les sciences de l’évolution de la vie et de l’Homme me paraissent en effet un lieu privilégié pour ancrer une telle enquête . D’une part parce ces sciences nées au cours du XIXe siècle sont sans doute, dans l’ensemble des disciplines scientifiques, les seules qui font un usage quasi-nécessaire, pour leur exposition et leurs reconstitutions, des formes de l’art. D’autre part parce qu’elles ont élaboré, au cours de leur histoire, des concepts qui ont pu être repris, repensés et transformés par les artistes eux-mêmes (ainsi, le concept de « forme » ou la catégorie du « primitif »). Enfin parce que les sciences de l’évolution questionnent l’articulation entre l’évolution biologique de l’Homme et le devenir de ses cultures, et rencontrent, de manière incontournable, la question de l’origine du symbole et de l’émergence de l’art.

J’ai fondé à l’EHESS avec Henri Atlan, et co-dirigé avec lui le Programme de Recherches « Biologie et Société » dont la mission était de réfléchir sur l’histoire, l’épistémologie et les implications sociales, économiques, anthropologiques, religieuses, philosophiques, éthiques et juridiques des savoirs biologiques. Ces recherches, par nature interdisciplinaires, ont mobilisé tant des professionnels des sciences du vivant et des spécialistes des sciences sociales qui savent désormais compter avec le développement de ces disciplines et de leurs applications pour comprendre les transformations du monde contemporain. Je suis depuis 2012 directeur d'études cumulant à l'Ecole pratique des hautes études (3e section, sciences de la vie et de la terre). Ma double affiliation en sciences biologiques et en sciences sociales, à la confluence de nos deux institutions, m’engagera à multiplier les occasions de rencontres et de collaborations entre elles.