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La Lettre n° 32 | Présentation
Marie Coutant
Crédits : E. F.
par Marie Coutant

Le handicap à l’EHESS. Sujet d’accueil, objet d’étude

Quand on évoque le handicap on entend souvent parler de fauteuils roulants, de cannes blanches, d’ascenseurs… On s’en tient à des incapacités anonymes en même temps qu’à des architectures à distordre. L’accessibilité de nos nombreuses adresses est une question fondamentale – en début d’année, l’École a réalisé un diagnostic pour une accessibilité exemplaire – mais devenir un établissement accueillant n’est pas seulement une question d’accessibilité physique.
La mission handicap qui m’a été confiée dès 2005 par Danièle Hervieu-Léger, alors présidente de l’EHESS, dans la dynamique de la loi « Pour l’égalité des droits et des chances, participation et citoyenneté des personnes handicapées » a pris la forme de deux chantiers principaux : créer un Bureau d’accueil des étudiants handicapés et construire le « programme  Handicap et sciences sociales de l’EHESS ». L’originalité de la démarche de l’École fut de mener ces deux actions conjointement, mais je les présenterai néanmoins ici successivement.

Le Bureau d’accueil des étudiants handicapés

Créé sur le modèle des structures d’accueil handicap dont les universités sont dans l’obligation de se doter depuis les années 90, le Bureau d’accueil des étudiants handicapés de l’EHESS, intégré aujourd’hui à la Direction des enseignements et de la vie étudiante (DEVE), s’est donné pour objectif de bâtir l’accessibilité aux savoirs. Comme son nom l’indique, ses fonctions sont d’accueillir et d’accompagner les étudiants (qui en font la demande) vers des adaptations de leurs conditions d’études et de recherche qui leur permettent de se rapprocher de l’égalité des chances. Ce peut être accéder à une transcription Braille ou à un agrandi, à l’interprétation des séminaires en langue des signes française, à des lecteurs, des tuteurs, des secrétaires etc., ce peut être aussi des choses plus simples comme l’accès aux notes de l’enseignant-chercheur ou l’étalement du cursus sur plusieurs années. Ce que la loi nomme « compensation du handicap ».
Cet accompagnement se fait tout au long de l’année au fil des besoins de l’étudiant ou de la modification des programmes d’enseignement, en collaboration avec de nombreux partenaires tant à l’intérieur de l’École (les enseignants-chercheurs, les secrétaires de formation, la DEVE, les étudiants…) qu’à l’extérieur avec les partenaires institutionnels, associatifs, mes pairs des universités etc. Il y a environ 10 000 étudiants handicapés en France et toutes formations et niveaux d’étude confondus, entre cinq et dix à l’École chaque année depuis cinq ans.

Le programme Handicap et sciences sociales 

L’idée fondatrice du programme Handicap et sciences sociales, créé en septembre 2006 et dirigé aujourd’hui par Yohann Aucante, est d’utiliser le potentiel pluridisciplinaire de l’EHESS pour faciliter diverses approches de la question du handicap. Ce programme scientifique organise un colloque chaque année. Le dernier en date, « Quand le handicap interroge la naissance. Enjeux et décisions en périnatalité », s’est tenu en novembre dernier et s'attachait à analyser le traitement social du handicap au révélateur des innovations technologiques autour de la naissance. Plusieurs enseignants-chercheurs de l’École, non spécialistes du handicap, ont été invités afin de mieux nourrir les questionnements. Ce colloque a été interprété à la fois en langue des signes et en anglais, pour favoriser les échanges avec les spécialistes anglais et américains invités.
Trois séminaires sont par ailleurs organisés. Deux d’entre eux (« Approche sociohistorique du handicap : la construction d’une expérience singulière et collective et ses évolutions récentes » et « Formation à la recherche sur le handicap ») sont dirigés par Jean-François Ravaud, Isabelle Ville et Myriam Winance, chercheurs à l’Inserm et membres de l’Institut fédératif de recherche sur le handicap avec lequel le programme a un partenariat. Le troisième, « Surdité et langue des signes : analyseurs politiques, philosophiques et sociolinguistiques. 4- Questions de terrains », est consacré aux travaux de recherche en cours dans le domaine de la surdité et de la langue des signes. Il est porté par Andrea Benvenuto, Alexis Karacostas et moi-même.
Soutenu par la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie (CNSA), le programme s’est engagé cette année à construire et animer un réseau national de jeunes chercheurs spécialistes du domaine. Ce réseau intervient ponctuellement ou cycliquement pour la mise en accessibilité (principalement l’interprétation en langue des signes française) de manifestations existantes organisées soit à l’EHESS soit à l’extérieur. Enfin, je suis amenée à participer à d’autres chantiers tels la réalisation d’un état des lieux de l’accessibilité des adresses actuelles et futures de l’École ou la participation aux réflexions sur l’obligation d’emploi des personnels et enseignants-chercheurs handicapés.

La thématique du handicap est aujourd’hui bien présente à l’École qui, grâce aux enseignements que nous dispensons, devient un carrefour important des recherches sur la question. Ce succès serait optimisé par le recrutement  d’enseignants spécialistes qui pourraient faire de l’EHESS un véritable pôle de recherche sur le handicap et permettre, à terme, d’augmenter le nombre de chercheurs handicapés, aujourd’hui encore trop faible.