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La Lettre n° 51 | Échos de la recherche
Centre de la Vieille Charité à Marseille
Crédits : Marin Dacos
par Nicolas Gravel

Le Groupement de Recherche en Économie Quantitative d’Aix-Marseille

Le Groupement de Recherche en Économie Quantitative d’Aix-Marseille (GREQAM) est une unité mixte de recherche (n° 7316) placée sous la cotutelle du CNRS, de l’Université d’Aix-Marseille, de l’EHESS et de l’École centrale de Marseille. Cette unité regroupait, au 1er janvier 2012, cinquante-quatre chercheurs et enseignants-chercheurs, quatorze administratifs et une soixantaine de doctorants. Le GREQAM est installé sur trois sites : le Centre de la Vieille Charité à Marseille (où sont localisés plus de 60% des chercheurs et la quasi-totalité du personnel administratif), le Château Lafarge en périphérie sud d’Aix-en-Provence (environ 20% des effectifs de chercheurs) et l’Espace Forbin à Aix-en-Provence.

Nicolas GravelCentre de la Vieille Charité
Nicolas Gravel, directeur du GREQAM

Le GREQAM a une histoire bientôt trentenaire, qui est révélatrice de l’identité très forte qu’a construite ce laboratoire autour de la formalisation mathématique, de la transversalité (intra et extra-disciplinaire) et du refus des modes. Cette histoire commence en effet en 1982, lorsqu’un petit groupe d’économistes mathématiciens visionnaires, regroupés autour de Jean-Pierre Florens, Louis-André Gérard-Varet, Alan P. Kirman et Claude Oddou, fondent à Marseille le Groupement de Recherche en Économie Quantitative et en Économétrie (GREQE). Il faut reconnaître l’audace du pari que constituait, au début des années 80, la création d’un centre de recherche consacré à l’économie mathématique à Marseille. Si on excepte en effet la tradition, ancienne et respectée, mais cantonnée pour l’essentiel aux écoles d’ingénieurs, des ingénieurs-économistes, peu de spécialistes des sciences sociales en France mettaient alors en pratique le point de vue, exprimé pourtant il y a plus de 2 000 ans par Platon, que « les nombres sont le plus haut degré de la connaissance ». C’est donc par la très grande qualité de leur travail et leur constance que les fondateurs du GREQE ont très rapidement imposé cette équipe dans le paysage institutionnel de la recherche en économie en France. La nouvelle unité se voit ainsi reconnue par l’EHESS (qui l’accueille au sein du magnifique Centre de la Vieille Charité dont elle venait d’obtenir une concession par la mairie de Marseille), par le CNRS et par les universités d’Aix-Marseille II et III. Le GREQE devient GREQAM en 1994 alors qu’il fusionne avec le Laboratoire d’Économie Quantitative d’Aix-Marseille (LEQAM) installé au Château Lafarge, et avec le CRIDESCOPE spécialisé en épistémologie économique et en histoire de la pensée, et localisé à l’Espace Forbin à Aix-en-Provence.

De grandes personnalités scientifiques, comme celles de Chuck Blackorby, Russell Davidson, Louis-André Gérard-Varet et Alan P. Kirman (pour limiter la liste aux « fellows » de la très prestigieuse Econometric Society) ont marqué la vie de ce laboratoire. Par leurs efforts, et ceux de tous les scientifiques qu’ils ont rassemblés, l’audacieux pari des membres fondateurs du GREQE a été gagné. Aujourd’hui, les indicateurs bibliométriques placent le GREQAM parmi les cinq meilleurs centres français d’économie (le troisième pour beaucoup d’indicateurs, derrière TSE et PSE). La récente évaluation de l’Agence d’Évaluation de la Recherche Scientifique lui a évidemment renouvelé la note A+ qu’il avait obtenue lors de l’évaluation précédente. Le projet de constitution d’une école d’économie d’Aix-Marseille (Aix-Marseille School of Economics – AMSE) que le GREQAM a porté, en partenariat avec le SESTIM (une UMR Inserm-Université d’Aix-Marseille et IRD spécialisée en économie de la santé) et le DEFI (une équipe d’accueil de l’Université d’Aix-Marseille II) a été retenu comme LABEX dans la première vague des Investissements d’Avenir. La direction de ce LABEX a été confiée à Alain Trannoy, directeur d’études à l’EHESS. La deuxième vague, qui a retenu comme « Initiative d’Excellence » le projet AMIDEX porté par l’Université d’Aix-Marseille, a également retenu le LABEX « Objectif Terre-Méditerranée », porté par le Centre Européen d’Enseignement et de Recherche des Géosciences de l’Environnement (CEREGE), une unité mixte de recherche (CNRS, Université d’Aix-Marseille, IRD et Collège de France), et auquel participe également le GREQAM. Ce LABEX a pour objet l’étude des conséquences du réchauffement climatique sur le bassin méditerranéen.

Fort de ces succès, et porté par la dynamique intégratrice de la fusion toute récente des universités d’Aix-Marseille, le GREQAM s’est engagé dans des négociations qui vont l’amener à fusionner avec l’équipe d’accueil du DEFI, l’un de ses deux partenaires au sein du LABEX AMSE. Cette équipe d’accueil, spécialisée en économie du développement, et comprenant vingt et un enseignants-chercheurs et deux administratifs (tous à l’Université d’Aix-Marseille et à l’École de Commerce Euromed Management), va donc être intégrée au sein du GREQAM comme département. Le principe de cette intégration, qui sera discuté par le conseil scientifique de l’Université d’Aix-Marseille le 20 mars 2012 et par son conseil d’administration une semaine plus tard, devra ensuite être approuvé par le CNRS et l’EHESS. L’intégration du DEFI au sein du GREQAM fera de notre laboratoire la principale unité de recherche en économie du site d’Aix-Marseille. Outre la mise en cohérence des programmes de recherches et l’exploitation des complémentarités – recherche « académique » au GREQAM et plus « appliquée » au DEFI – la fusion des deux unités permettra également une gestion plus cohérente des locaux, le DEFI et le GREQAM partageant l’intégralité du site du Château Lafarge

Les recherches conduites au sein du GREQAM, élargi au DEFI, couvrent une très grande palette de thématiques, regroupées dans cinq départements.

- Le département de microéconomie, l’un des plus important en taille de l’unité, regroupe des chercheurs dont le point commun est de chercher une explication théorique des phénomènes économiques et sociaux à partir d’une modélisation du comportement de l’acteur individuel (ménage, entreprise, autorité publique, etc.). Les questions étudiées au sein de ce département sont nombreuses. Elles concernent l’économie publique (choix d’une fiscalité optimale, mesure des inégalités, conduite de la politique publique avec plusieurs juridictions), la théorie des interactions et des réseaux, la théorie de la décision (tant individuelle que « collective), l’économie de l’environnement, l’économie de la santé, et l’économie financière. Les chercheurs du département DEFI conduisent leurs recherches dans en économie du développement, en privilégiant souvent comme zone géographique le versant sud de la Méditerranée. Les recherches des membres du DEFI concernent la mesure de la pauvreté et des inégalités dans les pays du sud, l’évaluation de programme de développement, et l’analyse des politiques de stabilisation. Plusieurs membres du DEFI sont très impliqués dans le Forum Euro-méditerranéen des Instituts de Sciences Économiques (FEMISE).

- Les recherches conduites par les membres du département de macro-économie et d’économie internationale sont également très diverses. Certaines concernent, à l’intérieur de modèles mathématiques, l’impact de la croissance sur le développement des inégalités économiques. D’autres proposent des modélisations mathématiques des fluctuations macroéconomiques, en liant celles-ci au fonctionnement des marchés financiers. D’autres recherches encore concernent l’économie internationale, et les problèmes complexes que posent la localisation spatiale des activités économiques, et la liberté de circulation des acteurs. Finalement, une partie des recherches conduites au sein de ce département visent à comprendre le fonctionnement imparfait du marché du travail, en insistant sur les frictions et les problèmes d’appariement que le fonctionnement de ce marché soulève.

- Les recherches menées au sein du département d’économétrie et de statistiques proposent et mettent en œuvre des méthodes statistiques pour confronter les théories économiques aux faits statistiques. Le GREQAM a développé, autour de Russell Davidson, une expertise mondialement reconnue dans le développement théorique de méthodes d’inférence statistique. Plusieurs chercheurs du GREQAM ont proposé notamment des méthodes d’inférence qui permettent l’évaluation des inégalités économiques. Une autre partie des recherches conduites au GREQAM a une finalité plus appliquée, et vise notamment à comprendre l’évolution dynamique des prix des actifs financiers, ou à mesurer l’impact que peuvent avoir différents dispositifs de protection sociale sur la probabilité individuelle d’obtenir un emploi.

- Le dernier, mais non le moindre, des départements du GREQAM traite de philosophie économique et d’histoire de la pensée. Il se place de ce point de vue dans une perspective transdisciplinaire qui, si elle n’est pas facile, reste essentielle pour pouvoir prendre de la hauteur par rapport à un monde scientifique éclaté entre spécialités diverses de plus en plus pointues. Certaines des recherches menées au sein du département de philosophie économique traitent des fondements de la justice sociale. D’autres se préoccupent d’épistémologie des sciences économiques, en examinant tout particulièrement l’hypothèse de rationalité des agents économiques supposées dans un grand nombre de modèles. D’autres enfin concernent l’histoire de la pensée économique, et en particulier les théories de l’intérêt développées à la fin du XIXe siècle par les économistes de l’École autrichienne.

En changeant ainsi de taille par sa fusion avec le DEFI, le GREQAM ne perd rien de la caractéristique qui fait sa force. Il reste, en effet, un grand laboratoire généraliste de sciences économiques qui produit des recherches sur un très large spectre de questions économiques et sociétales. De ce point de vue, le GREQAM me paraît s’inscrire parfaitement dans l’idéal de l’EHESS, à laquelle il est très attaché.