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La Lettre n° 38 | Les Éditions de l'EHESS
par Anne Madelain

À Moscou pour Non/Fiction

Si le Salon du livre Non/Fiction de Moscou (1-5 décembre 2010) a effectivement « couronné une année particulièrement riche en événements russo-français » avec une série de débats sur le thème « ce qui fait l'Homme » et la présence d'une quinzaine d'intellectuels français de renom, il a aussi été l'occasion pour les éditeurs de sciences humaines français participants, dont les Éditions de l'EHESS, de découvrir le dynamisme de l'édition russe. Le programme en ligne sur le site de l’Ambassade de France à Moscou.

Créé il y a douze ans par une poignée d'éditeurs indépendants, Non/Fiction s'est imposé comme un événement majeur de la vie intellectuelle russe, avec une dimension de plus en plus internationale. Parmi les invités français, l'EHESS était bien représentée avec Luc Boltanski, Philippe Descola, Vincent Descombes, Jean-Marie Schaeffer ou encore Laurent Barry auxquels s'est particulièrement intéressée la maison d'édition russe NLO (New Literary Observer), dont la directrice Irina Prokhorova a affirmé sa volonté d'introduire « le tournant anthropologique dans l'analyse historique russe ».
On a pu constater l'ouverture d'esprit des éditeurs russes toujours enclins à traduire les travaux étrangers, malgré les difficultés économiques du secteur et les défaillances de la diffusion/distribution. Au cours du séminaire professionnel, organisé par le Bureau international de l'édition Française (BIEF) et l'Ambassade de France à Moscou organisé en marge du Salon, ils ont réaffirmé leur soif de publier des livres qui traitent « des macrotransformations du monde contemporain » (Boris Orechin, directeur de Progress-Tradition, ancienne maison d'édition publique), sans négliger la diffusion des connaissances et les livres de vulgarisation dont la production est en Russie insuffisante. Volonté aussi de « combler 70 ans de retard » en terme d'échanges intellectuels et « d'intégrer le cas russe, encore trop souvent interprété comme une exception, à l'histoire mondiale » (Irina Prokhorova, NLO).
Après vingt ans de bouleversements politiques, sociaux et économiques qui ont déstabilisé les représentations sociales, le chantier éditorial semble encore énorme. « On se sent tous missionnaires », a affirmé Andrei Sorokin, responsable des éditions Rosspen, récemment nommé directeur des Archives nationales d'histoire politique et sociale russe et qui espère, avec son important catalogue sur l'histoire du stalinisme, lutter contre la nostalgie du totalitarisme. Rosspen a publié également les travaux de chercheurs français sur la Russie dont Nicolas Werth, Alain Blum, Juliette Cadiot.
Si les éditeurs russes ont exprimé leur intérêt pour la production des Éditions de l'EHESS (les cours de Michel Foucault, les travaux d'épistémologie et de méthodologie des sciences sociales, la réflexion sur la mémoire, ou encore les ouvrages concernant l'histoire sociale des États-Unis), une voie d'avenir serait certainement dans la conception de projets éditoriaux transnationaux, capables d'accueillir une recherche largement sans frontière mais qui ne trouvent pas encore en France assez d'espace de publication. Intentions déjà formulées dans le Manifeste pour une édition en sciences humaines réellement européenne, initié par les Éditions de l'EHESS en 2009.
Avec la Russie, les Éditions de l'EHESS disposent d'un atout important en tant qu'éditeur des Cahiers du monde russe  (présentée à Non/Fiction par Juliette Cadiot) et leur coopération avec le Centre d'études des mondes russe, caucasien et centre-européen (CERCEC).